Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis
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mercredi 23 octobre 2013

/e chaudron de Matholwch (fin)

Les guetteurs de Matholwch, voyant s’avancer la flotte avertirent le roi qui fit venir ses conseillers afin de décider ce qu’il convenait de faire.  L’armée de Brân était puissante et au fond Matholwch aimait sa femme. Il commença par lui rendre sa place auprès de lui et le fit savoir à Brân. C’était insuffisant ; il fallait réparer trois années de sévices et d’humiliation. Matholwch  qui ne souhaitait pas de conflit, proposa d’abdiquer en faveur de son fils, Gwern. Et Brân accepta, car lui aussi ne voulait que la paix entre leurs deux peuples.
Une date fut fixée et, au jour dit, en grande cérémonie, le roi remit la couronne à son fils. Gwern, était un bel enfant, souriant et gracieux ; tout le monde l’aimait. Il remercia son père, l’embrassa et embrassa aussi son oncle Nissyen qui lui ouvrait les bras. Ce qui provoqua la jalousie de son autre oncle, Evnyssen : pourquoi son neveu va-t-il embrasser son frère et pas lui ? L’enfant sans méfiance, s’approche alors  pour lui montrer son affection . C’est alors que le furieux le saisit par les pieds et le jette dans le feu, la tête la première. Branwen au désespoir veut suivre son fils dans le brasier. On la retient, on tente de maîtriser Evnyssen dont les partisans se jettent sur les défenseurs de Branwen que Brân protège de son bouclier. Le désordre est à son comble et nul ne sait comment va se terminer ce massacre.
Les hommes d’Irlande voyant les leurs décimés, mettent sur le feu le chaudron magique et y jettent les cadavres. Le lendemain, tous les guerriers ont retrouvé la vie, mais perdu la parole. Quant à l’armée de Brân qui ne dispose d’aucune magie, elle n’a plus qu’à compter ses morts.
 Evnyssen en proie à un tardif  remords, se lamente et veut réparer sa faute. Il va s’étendre au milieu des morts Irlandais ; on le ramasse avec les autres et comme les autres il est jeté dans le chaudron. Mais sa nuisance est telle  qu’il gonfle, gonfle, ses membres se distendent et le chaudron éclate ! Et son cœur en même temps… Ainsi périt celui par qui le mal est arrivé. Mais la stupeur provoquée par le phénomène fut telle que les combats cessèrent à l’instant. De l’armée de Brân, il ne restait que sept hommes en vie.
 Brân, blessé au pied par une lance empoisonnée,  les fit venir  près de lui ; leur confia Branwen et ordonna qu’on le décapite.
« Emportez ma tête avec vous, prophétisa-t-il, jusqu’à la Colline Blanche à Londres ; là, vous l’enterrerez, le visage tourné vers le pays des Francs. La route sera longue. A Harllech, vous resterez sept ans à table, tandis que les oiseaux de Rhiannon chanteront pour vous et ma tête vous tiendra joyeusement compagnie. Ensuite, vous passerez 80 ans à Gwales en Penvro. Vous conserverez ma tête intacte jusqu’à ce que vous ouvriez la porte du Sud. Mais dès que vous aurez ouvert cette porte, vous devrez aller droit devant vous. » Les sept survivants ont coupé la tête de Brân et passé la mer en sa compagnie et celle de Branwen. En débarquant, elle considéra les rives de l’une et l’autre île et maudit le jour de sa naissance. Comme elle se pensait responsable du désastre, elle poussa un soupir si profond que son cœur se brisa ; on l’enterra sur place dans une tombe carrée.
Les sept survivants allèrent s’installer à Harllech ; bien ravitaillés en nourriture et boisson, ils n’avaient rien de mieux à faire que manger et boire. Trois oiseaux venaient chanter pour eux, un chant si beau qu’ils en oubliaient toute autre musique. Les oiseaux volaient loin sur la mer, mais ils les distinguaient parfaitement. Ils passèrent là sept années avant de partir pour Gwales en Penvro.
A cet endroit était un palais royal qui dominait les flots ; deux portes étaient ouvertes, mais la troisième, qui donnait sur le sud, était close. Leur vie était douce, ils avaient de tout en abondance ; ils avaient oublié souffrances et chagrins ; ils n’étaient jamais ni fatigués ni malades et ils ne se voyaient pas vieillir. 80 années passèrent ainsi en la joyeuse compagnie de la tête de Brân. On a depuis nommé ce temps, le « Temps de l’Hospitalité de la Tête Sacrée ». Et puis un jour, l’un d’entre eux ouvrit la porte du Sud : la mémoire leur revint avec les chagrins et la souffrance. Pressés de quitter les lieux, ils allèrent enterrer la tête à Londres, sur la Colline Blanche, le visage tourné vers le pays des Francs. Tant que la tête fut conservée à cet endroit, aucun fléau ne s’abattit jamais sur l’île de Bretagne.
Les sept se dispersèrent aux quatre coins du pays et nul ne les a jamais revus.


mardi 22 octobre 2013

Le chaudron de Matholwch (4)

C’est avec enthousiasme que les Irlandais saluèrent le retour de leur roi et de sa nouvelle épouse. Branwen, la généreuse distribuait à toutes les femmes de la cour bijoux et parures de grande valeur. Une année passa ; tout le monde aimait la nouvelle reine, tout le monde l’admirait. Bientôt elle mit au monde un fils, Gwern qui selon la coutume fut confié à une des meilleures familles d’Irlande, chargée de son éducation.
Tout alla  pour le mieux pendant deux ans. Mais Matholwch avait des  frères de lait qui se mirent à comploter avec d’autres barons ; ils étaient mécontents et trouvaient que le roi avant accepté bien facilement le massacre de ses chevaux et que Brân s’était finalement montré peu généreux en regard de l’outrage subi.  Ils firent tant et tant que Matholwch finit par comprendre que jamais il n’aurait la paix s’il n’imaginait pas une autre revanche .  Branwen allait en faire les frais.
Chassée de ses appartements royaux et reléguée aux cuisines elle dut préparer les repas pour toute la cour ; de plus, chaque jour, après avoir découpé la viande, le boucher lui administrait un soufflet. Nul dans l’île de Bretagne et surtout pas Brân ne devait apprendre la façon dont était traitée la pauvre Branwen : il fut interdit à tous les navires  d’aborder ses côtes. Et ce pendant trois ans.

Branwen pour oublier un peu son infortune, avait apprivoisé un étourneau et lui avait appris un langage. Chaque jour, elle lui parlait des années heureuse, quand elle vivait avec son frère, Brân le Béni. Elle eut un jour l’idée de rédiger une lettre à son adresse dans laquelle elle lui racontait ses malheurs. La lettre attachée sous l’aile de l’oiseau,  elle l’envoya dans l’île de Bretagne. L’oiseau traversa la mer, et vint trouver Brân qui tenait sa cour de justice dans la forteresse de Kaer Seint, près de Carnarvon. L’intelligent volatile se posa sur l’épaule du roi, sauta, hérissa ses plumes jusqu’à ce qu’enfin il découvre la lettre. Indigné du traitement infligé à sa sœur, Brân décida de lui porter secours et rassembla ses meilleurs guerriers. Tous embarquèrent sur de solides navires bien armés et firent voile vers l’Irlande pour porter secours à sa sœur

dimanche 20 octobre 2013

Le chaudron de Matholwch (3)

« Dans mon pays il est un étang que les gens nomment  le « Lac du Chaudron ». Un jour que je chassais près de ses rives, j’ai vu  sortir de l’eau un géant roux et de fort mauvaise mine ; il portait sur le dos un chaudron.  Une femme l’accompagnait, deux fois plus grande que lui. Les géants m’ont salué et nous avons parlé. Je lui ai dit que j’étais roi de ce pays et mon regret de n’avoir pas d’héritier.
« Ton héritier va naître, m’a répondu le géant, d’ici un mois ta femme te l’annoncera et quinze jours plus tard, elle accouchera d’un guerrier tout armé. »
 Curieux de voir comment allait se réaliser cette étrange prédiction, je leur ai donné une terre et une maison. Mais ces géants étaient des imposteurs, puisque non seulement aucun héritier en armes ou non n’a vu le jour , mais ils ne respectaient ni les gens ni leurs biens. Ils en firent tant que mes vassaux révoltés me sommèrent de chasser ce couple bizarre.  Les chasser ? Oui mais comment ? Je craignais pour mon royaume leur malédiction. Mes sujets, trouvant que ma décision ne venait pas assez vite, prirent la leur.
Ils édifièrent une maison de fer qu’ils offrirent aux deux monstres ; le géant et sa femme s’y établirent. Alors mes vassaux firent venir tous les forgerons d’Irlande avec leurs soufflets, leurs tenailles et leurs marteaux, ils entassèrent du charbon jusqu’en haut du toit. Puis ils entrèrent dans la maison et sous prétexte de bienvenue offrirent au couple un grand banquet au cours duquel ils mangèrent et burent jusqu’à tomber par terre. Quand, au son des ronflements les gens surent qu’ils étaient profondément endormis, ils sortirent et mirent le feu au charbon. Et les forgerons de faire aller leurs soufflets jusqu’à ce que les murs de fer soient chauffés à blanc. A l’intérieur, la chaleur qui devenait intenable réveilla le géant roux ; d’un coup d’épaule, il ouvrit une brèche dans le mur par laquelle il s’enfuit, suivi de sa femme et sans oublier de prendre  le chaudron sur son dos. Depuis, on ne les a plus revus en Irlande. »
« Ce sont donc eux, conclut Brân, qui ont traversé la mer et  qui m’ont offert ce chaudron. En échange, je leur ai donné un domaine. Depuis, ils ont eu des enfants et se sont multipliés. Ils sont les meilleurs guerriers et les mieux armés qu’on puisse trouver dans mon royaume.
Il est donc juste, ami, que ce chaudron te revienne ! »

La fête terminée Matholwch, ses treize navires ,son chaudron et la belle Branwen retournent en Irlande. 

samedi 19 octobre 2013

Le chaudron de Matholwch (2)

Matholwch avait de nombreux et beaux chevaux qui faisaient sa fierté. Il en prenait grand soin. Au matin des noces tout comme les autres jours,  officiers d’écurie et palefreniers nourrissaient et pansaient les superbes coursiers, lustrant les robes, graissant les sabots. Evnyssen qui les regardait  pensa tenir là sa vengeance et la nuit suivante, il mutila et massacra sauvagement tous les chevaux de Matholwch.  Sans prendre congé de Brân, pour bien montrer sa colère, le roi d’Irlande ulcéré, reprit la mer suivi de tous ses barons et accompagné de sa nouvelle épouse.
Quand Brân apprit la nouvelle, il confia aux plus sages de ses conseillers le soin d’enquêter sur ce qui avait motivé la colère de son hôte. Quand il apprit la vérité, il se mit en colère contre son frère, mais il l’aimait et puis, le mal était fait ; il n’y avait plus qu’à tenter de le réparer.
Une ambassade fut envoyée en Irlande avec dans ses bagages, autant de chevaux que Matholwch en avait perdu plus un vase d’or très précieux et un grand nombre de bijoux d’argent. Apparemment satisfait, il accepte l’invitation de Brân et revient à sa cour. Des tentes sont dressées, un festin et servi pourtant le Roi d’Irlande montre un visage fermé. La réparation de l’offense serait-elle insuffisante, se demande Brân ; que pourrait-il faire de plus ?
Brân possède un chaudron magique aux merveilleuses propriétés : dans une bataille, chaque fois qu’un homme est abattu, il suffit de le jeter dans le chaudron d’où il ressort bien vivant et prêt à reprendre les armes ; seulement  il ne parle plus ce qui en somme n’est pas forcément un mal. Il le propose à Matholwch qui ne dit rien. Au cours du banquet qui suit, il demande à Brân d’où vient ce chaudron. C’est un homme de ton pays répond le roi, qui me l’a donné, mais je ne sais d’où lui, le tenait.
Moi je le sais, reprit Matholwch et je vais te conter son histoire…


vendredi 18 octobre 2013

Le chaudron de Matholwch (1)

En des temps lointains, régnait Brân le Béni ; sa sœur se nommait Branwen, le Blanc-Corbeau. Il avait aussi deux demi-frères ; Nyssyen, était bon et pacifique, mais son préféré était Evnyssen dont le seul plaisir était de semer la discorde.

Un jour, Brân et ses deux frères, assis sur un rocher devant la forteresse de Harllech au Pays de Galles, rêvaient devant la mer quand,  toutes voiles dehors et
 gonflées par un vent favorable, ils virent s’avancer treize navires qui semblaient venir du sud de l’Irlande.
Brân rentra dans son château, réunit ses barons, leur fit revêtir leurs plus beaux habits, les para  d’armes et de bijoux de prix et les envoya au port pour  accueillir les arrivants. Les navires étaient splendides, bien équipés ; aux mâts flottaient des étendards brodés d’or.  De la flotte, se détacha une nef ; en signe de paix, un bouclier était suspendu au grand mât. S’approchant du rivage, la délégation héla les navigateurs qui mirent des embarcations à la mer et en abordant, demandèrent à parler au roi. Brân se montra, entouré de sa cour et  tout d’abord leur souhaita la bienvenue, puis leur demanda la raison de leur visite.
Celui des marins qui semblait être le chef dit qu’il parlait au nom de Matholwch, roi d’Irlande. Il était porteur d’un message de paix et pour mieux assureur l’union entre leurs deux peuples, il demandait à Brân,  sa sœur  la belle Branwen, en mariage. Que Matholwch débarque, répondit Brân et nous allons en discuter. Alors le roi  d’Irlande et tous ses compagnons mirent  pied  à terre. Brân les reçut somptueusement, leur offrit un festin qui dura une nuit entière. Au matin,  Branwen, une des plus belles jeunes filles du monde était accordée à Matholwch.
Alors toute la compagnie, tant par mer que par terre se rendit à Aberffraw au Pays de Galles  où devait se célébrer le mariage. Tous les invités furent réunis, la fête pouvait commencer et tout d’abord par un grand banquet. Les deux rois présidaient et Branwen était assise entre eux.
Brân était un géant, si grand qu’aucune construction de pierre , si vaste fût-elle n’était à sa mesure ; aussi dût-on lui dresser une tente. On mangea et but tant, qu’à la fin de la nuit tout le monde tombait de sommeil et n’avait plus qu’une envie : aller dormir.
Un seul ne partageait pas l’allégresse générale, le méchant Evnyssen ; il aimait sa sœur et ne pouvait supporter qu’on l’ait accordée à Matholwch. Il aurait voulu la garder près de lui, seulement, on ne lui avait pas demandé son avis. Triste, jaloux, furieux, il rôdait en quête d’une vengeance…


Les Chouchous