Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis
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samedi 20 février 2010

JEAN DE L'OURS - FIN

Monté tout en haut de la plus haute tour du château, Jean de l’Ours inspecta l’horizon ;il vit les deux pendards entraîner les jeunes filles qui tentaient sans succès de leur échapper. Il dévala l’escalier et comme une flèche s’élança sur leurs traces. Passe-Rivière en se retournant vit Jean qui les talonnait. Aussitôt, les deux lâches, abandonnant leurs captives, filèrent se cacher au fond de la forêt.
Jean voyant les princesses seules au bord de la route, demanda où étaient passés leurs ravisseurs :
-« Ils vous on vu arriver et ils ont pris peur, expliqua la plus jeune.
- Je vais les rattraper et leur flanquer une correction dont ils se souviendront toute leur vie !
Mais Jean avait couru sans se soucier de la blessure qu’il s’était infligé ; il était pâle, les traits tirés et il n’avait plus sa barre de fer.
La jeune fille posa sa main sur son épaule :
-« Vous êtes fatigué, vous perdez du sang ; laissez-moi d’abord vous soigner.
Elle connaissait les « bonnes herbes » ; elle ramassa alentour celles dont elle avait besoin et en fit un cataplasme qu’elle posa sur la blessure, puis déchirant son jupon, elle en fit un bandage et doucement dit au blessé :
« - Laissez-les courir ! Qu’importe, puisque vous nous avez délivrées ?
Jean de l’Ours lui sourit : 
-«  Vous avez raison ! Qu’ils aillent au diable, s’il veut les recevoir ! Je vais vous escorter jusqu’au royaume de votre père.
Ils y parvinrent sans autres aventures et le roi et la reine trop heureux de retrouver leurs filles accordèrent à Jean de l’Ours la main de la Princesse aux « Bonnes Herbes ».



vendredi 19 février 2010

JEAN DE L'OURS (3)

Jean courut à sa poursuite et arriva dans une pièce où se trouvaient trois jeunes filles vêtues en princesses. A la vue de cet homme si grand, si fort, velu comme un ours et armé d’une énorme barre de fer, elles  se mirent à trembler, à crier, à pleurer.
-« Ne pleurez pas, dit Jean rassurant, ne craignez pas, je ne vous veux aucun mal ! Que faites-vous ici , seules dans cette cave obscure ?
-Une sorcière nous a enlevées à nos parents et nous ne savons pas comment sortir d’ici.
-Eh, bien, vous êtes délivrées ! Venez avec moi !
Jean les installa dans le tonneau et cria :
-« Remontez ! Remontez !
Qui furent bien étonnés en voyant qui était dans le tonneau ? Ce furent les deux compagnons !
Etonnés et ravis ! Trois belles princesses à la place de ce Jean de l’Ours donneur d’ordres et de leçons ! Quand ils l’entendirent crier qu’on lui renvoie le tonneau, ils le démolirent à coups de hache et jetèrent la corde au feu.
-« Et voilà, gros malin !dirent-ils en se frottant les mains, débrouille-toi, maintenant !
Et ils s’enfuirent, entraînant les jeunes filles.

Jean ne voyant pas redescendre le tonneau, comprit qu’il avait été trahi ; il ne perdit pas courage pour autant. Méthodiquement, il explora le souterrain et les caves et finit par retrouver le poulet. Brandissant sa barre de fer, il questionna le volatile effaré :
-« Dis-moi un peu comment sortir d’ici !
-Par où tu es entré, il n’y a pas d’autre issue.
-Mais comment ? Je n’ai ni corde ni échelle.
-Facile, ricana le volatile, il suffit de voler !
-Et comment veux-tu que je vole ? Tâche d’avoir une autre idée ou sinon…
Et Jean agitait la redoutable barre de fer sous le bec du poulet qui cessa de rire.
-« Ecoute , dit-il, va jusqu’au bout du souterrain, dans la dernière cave, vit un aigle blanc. Peut-être voudra-t-il te prendre sur son dos.
Jean de l’Ours suivit le conseil du poulet, trouva l’aigle et lui demanda son aide.
- « Tu es grand, tu es lourd, trop lourd pour moi surtout si tu  gardes cette barre de fer.
-Et si je la laisse ?
-Si tu la laisses, peut-être… mais ce sera de toutes façons très fatiguant. Pour avoir la force de te sortir d’ici,  il faudra m’alimenter sans arrêt. Ecoute, et l’aigle lui montra par un soupirail un bœuf dans un pré. Tue ce bœuf, prend sa viande et chaque fois que je crierai :  « Viande ! » , tu m’en donneras un morceau
D’un dernier coup de sa barre de fer, Jean tua le bœuf, le découpa avec son couteau de chasse, mit les morceaux dans un sac et le sac à son épaule.
-« Allons-y, dit l’aigle ; et ils se rendirent en bas du puits. Jean monta sur le dos de l’oiseau, s’accrocha à ses plumes et l’aigle prit son envol. Très peu de temps s’écoula avant que l’aigle ne crie : »Viande ! Viande ! » Jean lui jeta un morceau de bœuf.
A peine avait-il avalé la viande, que l’aigle cria de nouveau. Jean lui jeta un autre morceau.
L’aigle montait lentement, péniblement vers la lumière réclamant toujours sa pitance. Jean voyait déjà un morceau de ciel , il ne restait plus rien du bœuf, mais l’aigle criait toujours :  -« Viande ! viande !... »
-Je n’ai plus rien, dit Jean, nous sommes presque arrivés, courage !
Mais l’aigle était épuisé, ses ailes battaient de plus en plus faiblement, il allait se laisser retomber…
Alors, Jean de l’Ours employa les grands moyens. Il releva la jambe de sa culotte, sortit son couteau de chasse, serra les dents et … coupa un morceau de sa cuisse qu’il donna à l’aigle.
Avec une vigueur nouvelle, il donna un dernier coup d’aile et se posa sur le bord du puits.
Jean le caressa, le remercia ; il voulait maintenant retrouver les deux traîtres et les princesses.


jeudi 18 février 2010

JEAN DE L'OURS (2)

Il fit comme il avait dit et Passe-L’eau resta au château.

Fourbus mais leurs besaces pleines de lapins et de perdreaux, les chasseurs rentrèrent, affamés, dévorant d’avance ce que Passe-L’eau leur avait préparé. Un triste spectacle les attendait ; dans la salle et dans les cuisines, tout était cassé,culbuté, sans dessus dessous, et le contenu de la marmite, renversé dans la cheminée avait éteint le feu. Passe-L’eau avait disparu. Les deux chasseurs se mirent à explorer la demeure sans retrouver sa trace. Enfin, ils entendirent une faible voix sortant d’un placard et qui appelait au secours. Jean ouvrit la porte et vit Passe-L’eau, recroquevillé et tout tremblant.
‘-Qu’est-ce que tu fais dans ce placard ? demanda Jean
L’autre, honteux, hésitait à répondre. Jean insista :
-Qui est responsable de ce désastre, dit-il en montrant la salle dévastée ?
- C’est un petit poulet, finit pas avouer Passe-L’eau d’une voix hésitante.
- Quoi ? Un petit poulet ? Tu t’es sauvé devant un petit poulet et tu l’as laissé tout casser ?
-Oui, un poulet. Je ne l’ai pas vu arriver, il a commencé par renverser la marmite, puis il m’a battu et enfermé dans le placard !
Les deux chasseurs hurlèrent de rire en se moquant de lui et Jean dit :
-Allons, à table maintenant ! Demain, c’est toi qui viendras chasser avec moi et Lance-Roche gardera le château.
Le lendemain au retour de la chasse, même spectacle de désolation : meubles et marmite renversés, vaisselle cassée et Lance-Roche introuvable. C’est d’une armoire que sortit un pauvre petit « Au secours ! ».
-C’est encore le poulet ? dit Jean après l’avoir sorti de sa cachette.
‘Oui, oui ! Il m’a battu et enfermé dans l’armoire !
- Bon, je vois ce que c’est dit Jean. Demain, vous irez à la chasse et moi je resterai ici. J’ai deux mots à dire à ce poulet !
Le lendemain, Jean, sa grosse canne de cinq quintaux bien en main, attendait le poulet de pied ferme. A peine avait-il montré le bout de son bec, que Jean lui administra une mémorable volée de coups de canne. Voyant qu’il n’avait pas le dessus, le poulet se sauva et disparut par un trou qui était dans le mur.
Au retour de leur chasse, les deux compagnons,  assez vexés de voir que Jean ne s’était pas laissé faire, n’osèrent pas poser de questions.
Quand ils eurent bien mangé, Jean prit la parole :
-J’ai fait sauver le poulet, mais il est toujours au château. Si nous voulons vivre ici en paix, il faut le retrouver et en venir à bout. Voyez, dit-il à ses compagnons en leur montrant le trou dans le mur, il s’est sauvé part là.
Lance-Roche se mit aussitôt à desceller les pierres de la muraille et découvrit un puits, si profond qu’on ne pouvait voir où il finissait. Jean de L’Ours s’en fut chercher un tonneau,  une lampe et une corde. Il donna la lampe à Passe-L’eauet lui dit :
-Monte dans le tonneau ! C’est toi qui va descendre dans le puits.
Pendant qu’il descendait, un vent glacial montait des profondeurs et faisait vaciller la flamme de la lampe ; il lui vint une frousse bleue et il se mit à crier :
-Je veux remonter ! Faites-moi remonter. !
Jean de l’Ours le remonta et dit à Lance-Roche de prendre sa place ; à peine au milieu du puits, la frousse le prit à son tour et il demanda à être remonté.
Jean, les poings sur les hanches, regarda ses compagnons :
-Eh bien ! Je me croyais entouré de deux costauds, mais vous êtes froussards comme de vielles femmes. Allez , descendez-moi, que je voie ce qu’il y a au fond de ce puits !

Arrivé au fond, un souterrain s’ouvrait devant lui ; il s’avança et vit le poulet, qui s’empressa de se sauver.


mercredi 17 février 2010

JEAN DE L'OURS (1)

Un jour d’hiver, une jeune fille s’en alla ramasser du bois mort dans la montagne. Un ours, embusqué derrière un buisson la guettait ; il se jeta sur elle et l’emporta dans la caverne où il vivait. Il la jeta sur un lit de feuilles mortes et ferma l’entrée au moyen d’un gros rocher.
Chaque jour l’ours lui rapportait de la nourriture et des présents, mais il n’oubliait jamais de bien  repousser le rocher de façon que sa prisonnière ne puisse s’échapper.
La jeune fille en prit son parti et, -il est des monstres plus déplaisants qu’un ours- accepta de devenir son épouse.
Un an passa ; elle mit au monde un enfant aussi velu que son père quelle nomma Jean. Dès qu’il fut en âge de parler, la mère raconta son aventure et sa tristesse de ne pouvoir retourner dans son village. L’enfant, pour faire plaisir à sa mère, tenta de déplacer le rocher mais il n’était pas encore assez costaud.
Jean grandit, et toujours il profitait des absences de l’ours pour essayer de déplacer le rocher ; arriva le jour où enfin, il put dégager un espace assez grand pour que sa mère et lui arrivent à se faufiler à l’extérieur. Enfin libres, ils coururent vers le village sans regarder en arrière tant était grande leur terreur d’être rattrapés.
Ils étaient en sécurité dans la maison familiale quand l’ours regagna sa caverne désertée. Désespéré, le fauve descendit au village et pendant plusieurs nuits, hurla, tenta d’ébranler la porte, mais en vain. Alors il disparut, et plus jamais on ne le revit.

Jean, que les villageois appelaient désormais Jean de l’Ours, grandissait et devenait de plus en plus fort, d’une force extraordinaire, d’une force d’ours. Il apprit le métier de forgeron et se fabriqua  une sorte de canne en fer qui pesait cinq quintaux. Son apprentissage terminé, la vie de village lui sembla monotone et il décida de partir découvrir le monde. Il embrassa sa mère, dit adieu à ses grands parents, et sa canne sur l’épaule,  légère comme une tige de roseau, il prit la route.

Sur son chemin il rencontra un homme qui entassait des pierres. De ses mains nues, il les arrachait de terre et les lançait comme de petits cailloux. Jean le salua et lui demanda ce qu’il faisait de ces pierres.
-Je construis un mur, dit l’homme, mais c’est bien ennuyeux !
-Viens avec moi, dit Jean, je pars découvrir le monde.
-Pourquoi pas,  dit l’homme ,et il suivit Jean.

Tous deux cheminaient d’un bon pas. Ils arrivèrent ainsi devant une rivière. Aucun pont ne la traversait ; un passeur était là qui portait les voyageurs sur son dos.
-Tu fais ça tout le temps ? demanda Jean. Ce doit être fatiguant ?
-Oh oui, soupira l’homme !
-Alors viens avec nous, forts comme nous sommes tous les trois, nous trouverons facilement de l’ouvrage.
Et les voilà partis, Jean, Passe-l'eau, et Lance roche. A la nuit tombante, ils se trouvaient devant un château aux fenêtre illuminées.
-Frappons, dit Jean et voyons si l’on accepte de nous loger pour la nuit.
Mais le château était désert, aucun bruit; ils appelèrent, cognèrent à la porte, pas un valet, pas une servante  ne répondit. Alors Jean tenta de pousser la porte, qui s’ouvrit sans difficulté. Ils entrèrent, prudemment traversèrent la cour, visitèrent les granges et les écuries, s’enhardirent à entrer dans le château sans rencontrer âme qui vive. Dans la grande salle, un feu flambait dans la cheminée. Une table était dressée , couverte de mets appétissants. Les trois voyageurs se mirent à table et dinèrent de bon appétit.
Réchauffés, nourris, ils décidèrent de s’installer là.
-Demain, dit Jean de l’Ours, j’irai à la chasse. L’un de vous deux viendra avec moi et l’autre préparera le repas.... à suivre


Les Chouchous