Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis
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mardi 7 juillet 2009

Les trois cheveux d'or du Diable (4)



Quand il eut quitté la maison pour aller chercher des âmes par le monde, la diablesse rendit au jeune homme sa figure humaine. Elle lui remit les trois cheveux en lui demandant s’il se souvenait bien des réponses aux trois questions. Il répondit qu’il n’aurait garde de les oublier.
« Alors dit-elle, tu peux reprendre ta route. » Le jeune homme la remercia et quitta l’enfer tout guilleret.
Arrivé devant la rivière, le passeur lui demanda la réponse promise : « Passe-moi d’abord et je te la dirai sur l’autre rive. »
Quand il fut descendu de la barque, il lui donna le conseil du diable : mettre la rame dans la main du prochain voyageur.
Il continua sa route et retrouva la ville de l’arbre stérile ; la sentinelle attendait sa réponse : « Chassez la souris ! » dit le jeune homme. Pour le remercier , les habitants lui donnèrent deux ânes chargés d’or.
Tenant ses ânes par la bride, il arriva dans la ville de la fontaine tarie. Il dit à la sentinelle d’enlever le crapaud. Aussitôt la fontaine se remit à couler et pour le remercier on lui donna encore deux ânes chargés d’or.
Le fille du roi, qui attendait le retour de son époux courut à sa rencontre et se jeta dans ses bras. Le mauvais roi, quand son gendre lui remit les trois cheveux d’or, manqua s’étouffer de colère, mais quand il vit les ânes, il se radoucit. « Bon, admit-il, tu as mené à bien ta mission et ma fille est à toi. Mais en plus, tu ramènes une fortune ! Où donc as-tu trouvé tout cet or ? »
« Je l’ai trouvé de l’autre côté d’une rivière que j’ai traversée ; c’est le sable de cette rive-là. »
Le roi qui aimait l’or demanda : « Pourrais-je en avoir autant ? »
« Autant que vous voudrez ! Prenez des sacs et demandez au passeur de traverser ; vous n’aurez qu’à vous baisser ! »
Le roi, cupide, se mit en route ; arrivé devant la rivière, il fit signe au passeur. Dès que le roi fut dans la barque, le passeur lui mit sa rame en main, sauta lestement sur la rive et laissa le roi attendre un prochain voyageur.

lundi 6 juillet 2009

Les trois cheveux d'or du Diable (3)



Le diable était absent ; sa compagne l’attendait assise dans un grand fauteuil. « Que veux-tu ? » dit-elle aimablement.
« Pour mériter ma femme, que j’aime tendrement, il me faut prendre trois cheveux d’or sur la tête du diable ! »
« Trois cheveux ! Il ne te laissera pas faire ! Il ne faudrait même pas qu’il te voie ou alors gare à toi ! Mais tu me plais et je vais t’aider. »
Aussitôt, elle le changea en fourmi et lui dit de se cacher dans les plis de sa robe.
« Merci dit le garçon, mais il me faut aussi pour pouvoir rentrer chez moi, savoir trois choses. »
« Lesquelles ? »
« Pourquoi une fontaine qui donnait du vin ne donne même plus d’eau ; pourquoi un arbre qui portait des pommes d’or ne porte même plus de feuilles et si le passeur de la rivière doit rester à son poste sans jamais être remplacé. »
« Il n’est pas facile de répondre à ces questions ; aussi écoute bien ce que dira le diable quand le lui arracherai ses trois cheveux d’or. »
Le soir, le diable rentra chez lui ; il se mit à renifler partout : « Je sens, je sens… comme une odeur de chair humaine ! » Et il se mit à fouiller partout ; sa compagne se fâcha : « As-tu bientôt fini ? Tu crois toujours sentir de la chair humaine et moi, j’ai tout balayé et tout rangé, et tu ne vas pas tout bouleverser pour rien ! Viens t’asseoir et mange ta soupe ! ».
Le diable était fatigué ; sa soupe à peine finie, il posa sa tête sur les genoux de sa compagne pour qu’elle lui cherche des poux. Bientôt il s’endormit et se mit à ronfler. Elle en profita pour arracher un cheveu qu’elle mit dans sa poche. « Aïe ! cria le diable, tu me tires les cheveux ! »
« C’est que j’ai fait un cauchemar et je t’ai pris par les cheveux ! »
« Qu’as-tu donc rêvé ? »
« J’ai rêvé d’une fontaine qui versait du vin et qui s’est tarie au point de ne même plus verser d’eau, et je me demandais pourquoi ? »
« Ah, si on le savait ! on enlèverait le crapaud qui est sous une pierre et qui bouche la fontaine ; le vin se remettrait à couler. »
Sur ce, la diablesse se remit à lui chercher des poux et le diable se rendormit. Bientôt il ronfla si fort que les vitres se mirent à trembler. Elle arracha un deuxième cheveu.
« Mais ça va pas ? hurla le diable en colère, tu me fais mal ! »
« C’est encore un cauchemar ! »
« Qu’as-tu rêvé cette fois ? »
« J’ai rêvé d’un arbre qui portait des pomme d’or et qui ne porte même plus de feuilles ! Qu’est-ce que cela signifie ? »
« Ah, si on le savait ! On chasserait la souris qui ronge ses racines et l’arbre porterait de nouveau des fruits ; et d’ailleurs, si on ne le fait pas, l’arbre mourra tout à fait. Et maintenant, fiche moi la paix avec tes rêves. Si tu me réveilles encore une fois, tu auras une calotte ! »
La diablesse l’apaisa et se remit à lui chercher des poux jusqu’à ce qu’il se rendorme et se remette à ronfler. Elle arracha le troisième cheveu d’or. Cette fois le diable se leva en criant. Il voulait la battre mais elle le calma : « Comment peut-on éviter un cauchemar ? »
« Qu’es-tu allée rêver encore ? »
« C’est un passeur, cette fois : il se plaignait de devoir éternellement passer l’eau avec sa barque sans que personne vienne jamais le remplacer .»
« Quel sot ! Il n’a qu’à mettre sa rame dans la main du premier qui voudra passer la rivière et il sera libre ; c’est l’autre qui devra prendre sa place. »
Maintenant qu’elle avait les trois cheveux d’or et les trois réponses, la diablesse laissa son diable dormir jusqu’au matin.

dimanche 5 juillet 2009

Les trois cheveux d'or du Diable (2)



Les brigands ne tardèrent pas à rentrer et se mirent en colère à la vue de cet étranger qui dormait. La vieille dut s’expliquer : elle avait eu pitié de ce pauvre jeune homme égaré dans les bois. « D’ailleurs, ajouta-t-elle, il partira demain matin puisqu’il porte une lettre à la reine. »
Les brigands voulurent savoir ce que disait la lettre. Ils étaient tous des malfaiteurs, des criminels endurcis et pourtant la traîtrise du roi les indigna. Le chef déchira la lettre et en mit une autre à la place dans laquelle il avait écrit qu’on devait immédiatement marier la fille du roi au messager. Les brigands remirent la lettre dans la poche de leur protégé qu’ils laissèrent dormir jusqu’au matin, puis ils le remirent sur la bonne route.
La reine reçut le messager, prit connaissance de la lettre et s’empressa d’exécuter les ordres de son époux, sans même consulter sa fille. Heureusement, la bonne mine du garçon né coiffé lui plut et elle fut enchantée d’avoir à passer le reste de sa vie avec lui..
Quand le roi revint au palais, il trouva la prédiction accomplie : le garçon né coiffé avait épousé sa fille dans sa quatorzième année. Il demanda des comptes à la reine qui lui répondit qu’elle n’avait fait qu’exécuter l’ordre qu’il avait donné dans la lettre. Il demanda à la voir. Quand il vit qu’elle avait été changée, il fit venir le jeune homme : « Qu’est devenue la lettre que je t’avais confiée ? Ce n’est pas celle-ci ! » « Je n’en sais rien répondit le jeune homme. Probablement les brigands chez qui j’ai passé la nuit l’auront changée. »
Le roi était furieux : « C’est trop facile ! Ma fille ne peut appartenir à un enfant trouvé ! A moins… à moins que tu n’ailles en enfer. Tu y prendras trois cheveux d’or sur la tête du diable et tu me les apporteras. Si tu y parviens, ma fille sera à toi. »
Le roi en ordonnant cette quête impossible, pensait bien se débarrasser de ce gendre malencontreux. Mais le jeune homme accepta : « Je n’ai pas peur du diable ; j’irai chercher les trois cheveux d’or. » Il se mit en route aussitôt.
Mais il est long le chemin de l’enfer. Un jour, il arriva à la porte d’une ville ; la sentinelle lui demanda qui il était et ce qu’il savait.
« Tout ! », répondit-il hardiment
« Alors, reprit la sentinelle, tu vas pouvoir nous dire pourquoi la fontaine du marché, qui nous donnait toujours du vin, s’est tarie et ne donne même plus d’eau. »
« Oui, oui ; attendez mon retour et je vous dirai ça ! »
Et il continua son chemin, longtemps, longtemps, jusqu’à la porte d’une autre ville ; la sentinelle lui demanda qui il était et ce qu’il savait ;
« Tout ! », répondit-il sans hésiter
« Apprends-nous dans ce cas, pourquoi le grand arbre de notre ville, qui donnait des pommes d’or, s’est desséché et n’a même plus de feuilles »
« C’est bien simple ; attendez mon retour et je vous le dirai. »
Et il continua… plus loin, toujours plus loin. Il arriva devant une grande rivière qu’il fallait traverser. Le passeur lui demanda qui il était et ce qu’il savait.
« Tout ! » dit-il avec aplomb
« Donc tu peux m’apprendre, si je dois rester éternellement sur ce bac sans jamais être remplacé. »
« Bien sur ! Fais moi passer de l’autre côté et à mon retour je te le dirai. »
Quand il fut sur l’autre rive, il trouva enfin la bouche de l’enfer ; c’était un trou noir et enfumé.

vendredi 3 juillet 2009

Les 3 cheveux d'or du Diable (d'après Grimm)



Il y a de cela bien longtemps, une pauvre femme mit au monde un enfant né coiffé. La sage-femme qui savait des choses, prédit que cet enfant, quand il aurait quatorze ans, épouserait la fille du roi.
Peu de temps après, le roi vint à passer par ce village ; il voyageait incognito pour savoir ce qui se passait dans son royaume. Il ne manqua pas de se renseigner sur les derniers évènements locaux. On lui dit que justement, un garçon venait de naître coiffé et qu’il devait quand il aurait quatorze ans, épouser la fille du roi.
Ce roi était un mauvais homme et cette prédiction lui déplut beaucoup. Il alla trouver les parents et d’un ton paterne, leur expliqua que pauvres comme ils étaient, ils auraient du mal à élever cet enfant et qu’il valait bien mieux le lui confier : « Je l’éduquerai bien et plus tard, je lui trouverai un emploi à la cour. » Les parents ne voulaient pas se séparer de leur garçon, mais l’étranger leur offrit de l’or. Ils se dirent que puisque l’enfant était né coiffé, rien de mal ne pouvait lui arriver et ils finirent par consentir.
Le roi plaça l’enfant dans un coffre à l’arrière de sa selle et chevaucha ainsi jusqu’à une grande rivière, au plus profond de laquelle il jeta le coffre et l’enfant. « Et voilà, se dit-il, ma fille débarrassée d’un amoureux dont elle n’aurait eu que faire. » Cependant, le coffre ne coula pas, il était fait d’un bois parfaitement étanche et il flotta longtemps, longtemps et ne cessa de dériver que contre l’écluse d’un moulin situé à deux lieues de la capitale.
Un garçon meunier l’aperçut ; espérant y trouver un trésor, il l’attira avec un croc. Mais le trésor était un joli petit garçon, bien vivant et bien affamé. Il le porta au moulin. Le meunier et sa femme, qui se désolaient de n’avoir pas d’enfant, reçurent le petit comme un cadeau du ciel. Ils l’adoptèrent et l’élevèrent de leur mieux. L’enfant sauvé des eaux grandit en force et en sagesse.
Il était déjà grand quand un jour d’orage, le roi vint s’abriter au moulin ; il demanda au meunier si ce beau jeune homme était son fils. « Non sire, c’est un enfant que nous avons trouvé dans un coffre qui est venu s’échouer contre la roue de notre moulin. Il y a de cela quatorze ans. ».
Le roi demanda à voir le coffre et reconnut celui qu’il avait jeté à la rivière avec l’enfant né coiffé. Il prit un air aimable : « Meunier, je dois continuer ma route et la reine pourrait s’inquiéter ; ton garçon me rendrait-il le service de lui porter cette lettre ? Il aura deux pièces d’or pour sa peine. »
« A vos ordres, Sire », répondit le meunier et il dit au garçon de se préparer. Et le roi écrivit sa lettre ; il demandait à la reine de se saisir du messager, de le mettre à mort et de l’enterrer, de telle sorte qu’il ne le revoie pas à son retour.
Le garçon prit la lettre et se mit en route ; mais il se trompa de chemin et le nuit le surprit au milieu d’une épaisse forêt. Il finit par distinguer dans le lointain une faible lueur vers laquelle il se dirigea. Il arriva dans un maisonnette où il trouva une vieille femme assise près d’un feu. Surprise de voir un visiteur, elle lui demanda d’où il venait et ce qu’il voulait. « Je viens du moulin et je porte une lettre à la reine ; je me suis perdu ; m’accorderez-vous l’hospitalité pour cette nuit ? »
« Malheureux enfant ! Tu n’as pas de chance : cette maison est un repaire de brigands. Dieu seul sait ce qu’ils feront de toi s’ils te trouvent ici ! »
« Tant pis, dit le jeune homme, je suis trop fatigué pour continuer ma route et je n’ai pas peur des voleurs puisque je ne possède rien. »
Là-dessus, il se coucha sur un banc et s’endormit.

Les Chouchous