Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

lundi 24 janvier 2022

GYGES

 



 

C'était il y a longtemps ; au VIII° siècle av.JC, dit Hérodote. Donc l'histoire serait vraie ?

Il y avait en Lydie, un berger du nom de Gygès. Un jour d'orage, le sol se mit à trembler et un gouffre s'ouvrit devant lui engloutissant son troupeau. Dans l'espoir de sauver quelques bêtes, Gygès descend dans le gouffre. Le voilà qui s'enfonce dans un tunnel qui le mène dans les profondeurs de la terre. Il arrive dans une salle où luit un énorme cheval de bronze ; deux portes s'ouvrent dans ses flancs. Curieux, Gygès pénètre à l'intérieur du cheval et découvre... un squelette géant qui porte un anneau d'or. Le berger le prend et le passe à son doigt, puis il remonte à la surface où d'autres bergers inquiets, l'attendaient sur le bord du gouffre. Il se plaint d'avoir perdu son troupeau, mais ne raconte rien de son aventure, ni du cheval de Bronze, ni du géant mort et encore moins de l'anneau. Et la vie reprend...

Bientôt, Gygès observe une chose curieuse : chaque fois qu'il tourne le chaton de la bague vers l'intérieur de sa main, plus personne ne le voit, alors que lui, continue à voir et à entendre tout ce qui se passe autour de lui.


Enchanté de ce pouvoir, il se dit que ce n'est pas dans les pâturages qu'il le fera fructifier et sans plus tarder, il se rend à la cour du roi Candaule. En utilisant au mieux son anneau magique, il fait son chemin jusqu'à devenir le confident du monarque. Un monarque bien imprudent qui, très fier de la beauté de sa femme ne cesse de la vanter à qui veut l'entendre. De cette beauté il parle sans jamais la montrer. Gygès rusé, lui dit un jour : "Roi, si ta femme est si belle, pourquoi la tiens-tu cachée ? Sans doute elle a quelque défaut que personne ne doit connaître."

Or le roi qui connaissait le pouvoir de Gygès mais sans savoir d'où il le tenait, lui répond : "Il te sera facile de savoir que je dis vrai : disparais et va dans ses appartements, quand elle prendra son bain, tu verras à quel point je dis vrai."

Gygès commença par refuser, mais le roi insistait, insistait tant et si bien qu'il finit par accepter prétendant que c'était malgré lui. Il tourna son anneau et, invisible, se rendit dans les appartements de la reine. Quand elle fut nue, allez savoir si c'était émotion, maladresse, ou bien le fit-il exprès, toujours est-il qu'il ne tourna pas son anneau et que la reine l'aperçut. Elle poussa un cri, se drapa dans des étoffes qui étaient à sa portée ; elle allait appeler des gardes pour chasser l'indiscret, quand Gygès lui avoua qu'il était là sur ordre de son époux.

Furieuse, outragée mais aussi troublée par ce jeune homme qui ne manquait pas de charme, la reine formula ainsi sa revanche : ou Gygès tue Caudale et l'épouse ou bien elle l'accuse d'outrage à sa personne et demande sa mise à mort.

Le choix était simple ; la reine était belle et il lui était facile, en se rendant invisible, de tuer Candaule.

Ainsi l'ancien berger épousa la reine et devint un grand roi. Sous son règne, le royaume de Lydie atteint son apogée, se fit respecter de tous ses voisins et étendit sa domination jusqu'en Asie Mineure.

jeudi 13 janvier 2022

ALCYONE alm

 


Alcyoné fille d’Eole, épousa Céyx, fils de l’Etoile du Matin. Avec d’aussi poétiques ascendants cette union ne pouvait qu’être heureuse et elle le fut. Heureuse au point que les amoureux se comparaient au couple qui régnait sur les dieux : Zeus et Héra, pas moins !

On ne dira jamais assez l’imprudence des mortels qui se comparent aux Dieux. Les époux divins plus qu’agacés se pensèrent obligés de sévir.

Un jour, Céyx prit la mer pour aller consulter un oracle lointain. Les dieux voient tout. Zeus tenait sa vengeance : que Poséidon déclenche une de ces tempêtes dont il a le secret !

Sans se faire autrement prier, Le dieu marin de son trident frappa les flots et la mer en furie fit chavirer le navire…

Ce n’était pas encore assez : Zeus dit  à Morphée d’envoyer un rêve à Alcyoné ; rêve dans lequel la malheureuse dût assister au trépas de son époux tant aimé. Ce n’est qu’un rêve tenta de se rassurer la jeune femme et elle  courut au rivage, mais pour voir hélas, le corps de Céyx rejeté par les flots. Désespérée, incapable de survivre à son amant, elle se jeta dans la mer.

Les Dieux qui depuis l’Olympe étaient témoins du drame implorèrent la clémence de leur souverain. Zeus n’avait pas voulu leur mort, juste une sévère leçon, il ne demandait pas mieux que de leur rendre la vie. Mais Héra, vindicative, ne l’entendait pas ainsi. Aussi, pour éviter sa colère, c’est sous forme d’oiseaux que le couple évita les Enfers : des alcyons qui depuis, sont restés l’emblème de la fidélité conjugale.

 

Eole pour assurer la postérité d’oiseaux qui étaient aussi un peu ses enfants, enferme ses vents pendant les sept jours qui précèdent et qui suivent le solstice d’hiver afin de laisser aux alcyons le temps de nicher  et de se reproduire.

 

Age d'or alm

 


Admettons qu'aux origines, au temps de "Il était une fois", l'humanité ignorait les mécanismes et phénomènes de la reproduction (J'ai lu çà quelque part, mais je ne sais plus où ni quand).

On pensait alors que le vent ou les rivières fécondaient les femmes qui, en se baignant, en se séchant sous la brise engendraient des enfants. Elles étaient seules responsables  de la survie de l'espèce et comme telles sacrées.

On se fiait à leur sagesse pour toutes les graves décisions et les plus âgées d'entre elles dirigeaient les tribus. Les  hommes, les animaux, la nature, tout l'univers durant ce matriarcat connurent un âge d'or.

Mais voilà qu'un jour le serpent, ce trublion, trouvant ce bonheur un peu fade, eût l'idée d'y mettre un peu de piment.

Il savait lui, et les autres animaux aussi , comment se fabriquaient les enfants. Mais aucun d'entre eux n'aurait eu l'idée d'en informer quiconque. Sous le règne des femmes, personne ne songeait à se nourrir de chair animale. Loin de les tuer, on soignait le bétail et la volaille qui généreusement, donnaient leur lait, leurs oeufs, leur laine et aussi leur fumier grâce auquel jardins et vergers produisaient en abondance. L'instinct disait à tous que changer les choses pourrait bien leur nuire. Le serpent, qui se pensait non comestible - en quoi il était dans l'erreur, les humains sont prêts à bouffer à peu près n'importe quoi- croyant donc à sa totale impunité et se réjouissant d'avance de ce qu'il allait provoquer, le serpent révéla aux hommes les mécanismes de la reproduction que "Dieu" soucieux de préserver la paix en son Paradis, leur laissait ignorer. Les femmes avaient le pouvoir, mais elles leur avaient laissé les gourdins.

Ils prirent conscience de leur utilité et commença le règne de la force. Le pouvoir gâte les esprits les plus sages et les femmes sans doute en avaient un peu abusé. Au fil du temps, elle durent se soumettre à la puissance des plus musclés. L'Âge d'Or prit fin pour des siècles et des siècles....

 

Mais il pourrait revenir puisque depuis peu (au regard de l'âge de l'humanité) les femmes maîtrisent leur fécondité et cette fois pour de bon; il n'est plus question de légendes ou de croyances mais de réalité scientifique.

 

Aussi pour qu'il revienne cet Âge d'Or, pour que cessent les guerres, souvenez-vous mes amies de l'histoire de Lysistrata . Si les hommes ont inventé des armes capables de faire sauter la planète, nous avons nous les moyens de faire disparaître l'humanité sans toucher à la Terre.

Nous pourrions, si les mentalités ne changent pas , si les règnes de la violence, de l'argent, du pouvoir continuent à dominer le monde, refuser de nous y reproduire...

Si toutes les femmes du Monde......

Alors reviendrait le temps du Paradis, mais pas celui de la puissance des femmes, le temps de la  parité: les hommes et les femmes, côte à côte et main dans la main...

 

mardi 11 janvier 2022

Python ou la Mythologie au jardin.

 


Ce matin la lutte épuisante contre un tuyau d’arrosage récalcitrant m’a fait songer, toutes proportions gardées, à celle d’Apollon contre le serpent Python.

Qui était-il ce Python, ancêtre de tous les monstres, de tous les dragons qu’ont dû à affronter les héros des contes ?

Né de la boue du déluge à peine réchauffée par le soleil, c’était un immense, un énorme serpent dont les anneaux entouraient les montagnes. Il détruisait tout sur son passage. Sa bave venimeuse ravageait vergers et cultures, ses yeux sans paupières immobilisaient les humains qui voyaient avec terreur s’ouvrir une large gueule ornée de crocs et d’une langue fourchue prêtes à les aspirer tout crus. Personne ne pouvait lui résister et les populations ruinées, décimées n’avaient d’autre recours que d’invoquer les Dieux.

C’est à Apollon le bel archer qui jusque- là ne chassait que les daims et les chevreuils que fut confiée la tâche d’éliminer le monstre. Une tâche dont aucun humain n’aurait pu venir à bout et que lui-même en dépit de sa divine puissance eût bien du mal à accomplir.

Ce n’est qu’après avoir vidé son carquois que d’une dernière flèche il est venu à bout du monstre qui par toutes ses blessures a répandu le venin noir qui alimentait sa vie.

dimanche 9 janvier 2022

Deucalion alm

 


 

Zeus comme beaucoup d’autres dieux par le monde, en eût un jour assez des créatures qu’il avait installées dans un lieu magnifique crée tout exprès pour leur bonheur. Des forêts profondes sous les grands arbres desquelles s’abritaient tout un monde de biches, de cerfs, de sangliers ; des plaines ondulant sous les épis dorés, des prairies fleuries butinées par les abeilles, des rivières poissonneuses, des lacs, des sources, des cascades qui dévalaient les montagnes. Et puis des elfes, des sylvains, des nymphes, des naïades….

Mais les humains, au lieu de vivre en paix dans ce monde féerique ne songeaient qu’à le piller, qu’à se jalouser, se battre, s’entretuer et certains même, osaient dévorer leurs semblables. Zeus souvent en compagnie d’autres dieux, les visitait, écoutait leurs doléances, tentait de les satisfaire mais en vain.

Alors exaspéré, le créateur de ce monde décida de le détruire. Par le feu ? par des secousses ? l’eau plutôt ! Peut-être avait-il inconsciemment l’idée de tout recommencer un jour et l’eau si elle détruit, une fois retirée fertilise le sol.

Quoi qu’il en soit, Zeus ordonna à Poséidon son frère de frapper de grands coups de son trident le fond des mers. Alors des vagues gigantesques envahirent les îles et les rivages engloutissant tout ce qui vivait là. Les fleuves et les rivières quittèrent leurs lits noyant les berges et les habitations.

Zeus dénoua le lien du sac où étaient enfermés les vents, il lâcha sa foudre et dans le fracas du tonnerre et des éclairs, les nuages se déchirèrent et la pluie se mit à tomber en rafales. L’eau monta, monta inexorablement submergeant les collines et jusqu’au plus hautes montagnes.  Pas un humain, pas un animal ne put survivre au cataclysme.

Sauf, un homme et une femme : Pyrrha et Deucalion. Deux êtres de bonté, de générosité qui ne méritaient pas de périr. Sans doute n’étaient-ils pas les seuls mais ils étaient cousins de Zeus et le père de Deucalion, Prométhée était ce Titan qui, entre autres bienfaits avait donné le feu aux hommes.

Avant la montée des eaux, Deucalion fut averti d’avoir à construire une nef en bois d’acacia, de lui donner la forme d’un croissant de lune et d’embarquer avec eux non seulement des vivres pour un long moment, mais aussi les semences de toutes les plantes et de tous les animaux.

Et c’est ainsi que tout le temps que dura le déluge, l’arche flotta à la surface des eaux.

Un jour enfin la pluie cessa et l’on vit apparaître le sommet des montagnes, puis une colombe vint se poser sur la nef qui s’échoua sur une hauteur. Plusieurs monts revendiquent cet atterrissage comme aussi plusieurs civilisations pensent que cette histoire leur appartient.

Quand le couple sortit à pas hésitants de leur embarcation, la vue de la boue, de la terre dévastée, sans un arbre, sans la moindre plante, sans un être vivant, toute cette étendue boueuse, le ciel bas et sans plus de lumière leur a serré le cœur. Qu’allaient-ils devenir dans cet univers hostile ? Ils avaient bien compris que la survie ne leur avait été accordée que dans le seul but de recréer de ce magma informe un univers purifié, délivré des crimes du monde qui avait péri. Oui, mais comment ? Ils étaient seuls, si seuls…

Pas tant que ça ! Les Dieux n’avaient pas disparu avec la création et c’est Hermès l’infatigable messager qui les envoya consulter Thémis. Seulement Thémis, comme tous les oracles leur délivra un conseil tout à fait incompréhensible. Pour refaire le monde leur conseilla-t-elle, ils devraient jeter par-dessus leur épaule les ossements de leur mère.

Quelle horreur ! quel sacrilège ! et puis, où trouver dans ce chaos les sépultures de leurs parents ?

Totalement abattus, Pyrrha et Deucalion s’en furent en ramassant des pierres et en le jetant dans leur dos. Pourquoi pas dans l’ordre des tâches impossibles à accomplir tenter de recréer des hommes avec des cailloux ?

Lequel des deux en se retournant, vit le premier que les pierres prenaient forme, s’allongeaient, s’assouplissaient, s’étiraient, bougeaient, les suivaient. Les pierres jetées par Pyrrha devenaient des femmes, les pierres jetées pas Deucalion devenaient des hommes. Une humanité belle et vigoureuse prête pour un nouveau départ.

Thémis n’avait pas menti : Pyrrha et Deucalion avaient tous deux pour ancêtre Gaïa, la Terre Mère.

 

samedi 8 janvier 2022

Picus et Canente alm

 

Ils étaient jeunes, ils étaient beaux et ils s’aimaient.

Quand Canens chantait, les oiseaux suspendaient leur vol, les bêtes sauvages s’approchaient, les fleuves et les rivières retenaient leur cours et même les arbres et les rochers se déplaçaient pour l’écouter.

Les chevaux les plus rétifs, les plus sauvages s’apaisaient quand Picus doucement leur parlait.


Un jour qu’il chevauchait avec des compagnons aux environs du Lac de Diane et que nymphes et dryades rivalisaient de charme et de sourires pour attirer son attention, lui sans même leur adresser un regard, galopait à travers fourrés et forêt.

Ce jour- là, Circé la magicienne cueillait les plantes et les baies utiles à ses onguents et à ses philtres. Elle vit les cavaliers et Picus à leur tête, si beau que prise d’une violente passion, elle laissa tomber sa cueillette et tenta de s’approcher, mais en vain ; la troupe était lancée au grand galop. Le beau cavalier allait lui échapper, alors d’un geste elle fit apparaître un sanglier auquel elle ordonna de passer devant Picus et de s’enfoncer dans les bois. Le sanglier lui obéit et bientôt les fourrés devinrent si épais qu’aucun cheval n’aurait pu les traverser. Picus saute à bas de son cheval et entraîné par son instinct de chasseur, il courre à pied dans les profondeurs des bois.

Circé pendant ce temps chante aux divinités mystèrieuses une incantation magique, celle qui éclipse la lune et tisse devant les dieux un voile de nuages. Alors le ciel se couvre, d’épais brouillards sortent de terre, les compagnons de Picus se perdent et le laissent seul.

Pour Circé, le lieu et l’instant sont favorables à ses désirs, du moins, elle le croit, elle déclare son amour à Picus. Mais lui la repousse doucement : Je ne puis être à toi ! C’est une autre que j’aime : Canens, la fille de Janus et je lui resterai fidèle.

Circé insiste, en vain. Picus ne violera pas la foi jurée à Canens

Alors la magicienne outragée, furieuse s’écrie : tu ne la reverras jamais ta Canens ! C’est Circé que tu repousses et tu vas connaître mon pouvoir.

Elle se tourne deux fois vers le couchant, deux fois vers le levant et tout en prononçant trois incantations, elle touche Picus de sa baguette.

Picus fuit en courant, bientôt il ne touche plus terre et sur ses bras étendus il voit pousser des plumes… quelle horreur ! tout son corps est couvert de plumes.  Il est devenu oiseau et de colère, il frappe avec son bec les arbres alentour, il massacre leurs branches. Mais de Picus il ne restera rien… que son nom…

 Ses compagnons qui l’avaient cherché et appelé en vain dans la campagne se trouvent face à Circé qui avait permis aux vents de dissiper brumes et nuages. Avec violence ils réclament leur roi, ils veulent la frapper. Alors elle répand autour d’elle des coulées pestilentielles, des boues vénéneuses ; elle invoque en hurlant la Nuit et toutes les divinités des Ténèbres. La terre gémit, les forêts pâlissent, de l’herbe jaillissent des gouttes de sang ; les rochers gémissent ; les chiens aboient, sur le sol se tordent des serpents, les âmes des morts volent dans le ciel. La troupe des chasseurs se fige d’horreur et c’est alors que la magicienne les touche de sa baguette et les voilà changés en bêtes sauvages. Aucun ne réchappera du sortilège.

Canens toute la soirée avait attendu le retour de son époux. Des serviteurs et des habitants flambeaux en main avaient parcouru plaines et forêts en vain.

La nymphe pleure, s’arrache les cheveux, se griffe la poitrine. Dans sa douleur, elle parcoure la campagne du Latium, six jours et six nuits, sans nourriture, sans sommeil elle va, au hasard par monts et vallons. Le sixième jour, épuisée elle tombe sur la rive du Tibre, et là désespérée, elle pleure. Dans ses larmes, d’une voix faible elle module un chant plaintif, tel la mélodie que fait entendre le cygne avant de mourir. Et puis son corps dissous par la souffrance, se dissipe et s’évanouit peu à peu dans l’air…

 

 

Les Chouchous