Les guetteurs de
Matholwch, voyant s’avancer la flotte avertirent le roi qui fit venir ses
conseillers afin de décider ce qu’il convenait de faire. L’armée de Brân était puissante et au fond
Matholwch aimait sa femme. Il commença par lui rendre sa place auprès de lui et
le fit savoir à Brân. C’était insuffisant ; il fallait réparer trois
années de sévices et d’humiliation. Matholwch qui ne souhaitait pas de conflit, proposa
d’abdiquer en faveur de son fils, Gwern. Et Brân accepta, car lui aussi ne
voulait que la paix entre leurs deux peuples.
Une date fut fixée et,
au jour dit, en grande cérémonie, le roi remit la couronne à son fils. Gwern,
était un bel enfant, souriant et gracieux ; tout le monde l’aimait. Il
remercia son père, l’embrassa et embrassa aussi son oncle Nissyen qui lui
ouvrait les bras. Ce qui provoqua la jalousie de son autre oncle,
Evnyssen : pourquoi son neveu va-t-il embrasser son frère et pas
lui ? L’enfant sans méfiance, s’approche alors pour lui montrer son affection . C’est alors
que le furieux le saisit par les pieds et le jette dans le feu, la tête la
première. Branwen au désespoir veut suivre son fils dans le brasier. On la
retient, on tente de maîtriser Evnyssen dont les partisans se jettent sur les
défenseurs de Branwen que Brân protège de son bouclier. Le désordre est à son
comble et nul ne sait comment va se terminer ce massacre.
Les hommes d’Irlande voyant
les leurs décimés, mettent sur le feu le chaudron magique et y jettent les
cadavres. Le lendemain, tous les guerriers ont retrouvé la vie, mais perdu la
parole. Quant à l’armée de Brân qui ne dispose d’aucune magie, elle n’a plus
qu’à compter ses morts.
Evnyssen en proie à un tardif remords, se lamente et veut réparer sa faute. Il va
s’étendre au milieu des morts Irlandais ; on le ramasse avec les autres et
comme les autres il est jeté dans le chaudron. Mais sa nuisance est telle qu’il gonfle, gonfle, ses membres se
distendent et le chaudron éclate ! Et son cœur en même temps… Ainsi périt
celui par qui le mal est arrivé. Mais la stupeur provoquée par le phénomène fut
telle que les combats cessèrent à l’instant. De l’armée de Brân, il ne restait
que sept hommes en vie.
Brân, blessé au pied par une lance
empoisonnée, les fit venir près de lui ; leur confia Branwen et
ordonna qu’on le décapite.
« Emportez ma
tête avec vous, prophétisa-t-il, jusqu’à la Colline Blanche à Londres ;
là, vous l’enterrerez, le visage tourné vers le pays des Francs. La route sera
longue. A Harllech, vous resterez sept ans à table, tandis que les oiseaux de
Rhiannon chanteront pour vous et ma tête vous tiendra joyeusement compagnie.
Ensuite, vous passerez 80 ans à Gwales en Penvro. Vous conserverez ma tête
intacte jusqu’à ce que vous ouvriez la porte du Sud. Mais dès que vous aurez
ouvert cette porte, vous devrez aller droit devant vous. » Les sept
survivants ont coupé la tête de Brân et passé la mer en sa compagnie et celle
de Branwen. En débarquant, elle considéra les rives de l’une et l’autre île et
maudit le jour de sa naissance. Comme elle se pensait responsable du désastre,
elle poussa un soupir si profond que son cœur se brisa ; on l’enterra sur
place dans une tombe carrée.
Les sept survivants
allèrent s’installer à Harllech ; bien ravitaillés en nourriture et
boisson, ils n’avaient rien de mieux à faire que manger et boire. Trois oiseaux
venaient chanter pour eux, un chant si beau qu’ils en oubliaient toute autre
musique. Les oiseaux volaient loin sur la mer, mais ils les distinguaient parfaitement.
Ils passèrent là sept années avant de partir pour Gwales en Penvro.
A cet endroit était un
palais royal qui dominait les flots ; deux portes étaient ouvertes, mais
la troisième, qui donnait sur le sud, était close. Leur vie était douce, ils avaient
de tout en abondance ; ils avaient oublié souffrances et chagrins ;
ils n’étaient jamais ni fatigués ni malades et ils ne se voyaient pas vieillir.
80 années passèrent ainsi en la joyeuse compagnie de la tête de Brân. On a
depuis nommé ce temps, le « Temps de l’Hospitalité de la Tête Sacrée ».
Et puis un jour, l’un d’entre eux ouvrit la porte du Sud : la mémoire leur
revint avec les chagrins et la souffrance. Pressés de quitter les lieux, ils
allèrent enterrer la tête à Londres, sur la Colline Blanche, le visage tourné
vers le pays des Francs. Tant que la tête fut conservée à cet endroit, aucun
fléau ne s’abattit jamais sur l’île de Bretagne.
Les sept se
dispersèrent aux quatre coins du pays et nul ne les a jamais revus.
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