Picus et Canente 08/01
Ils
étaient jeunes, ils étaient beaux et ils s’aimaient.
Quand
Canens chantait, les oiseaux suspendaient leur vol, les bêtes sauvages
s’approchaient, les fleuves et les rivières retenaient leur cours et même les
arbres et les rochers se déplaçaient pour l’écouter.
Les chevaux les plus rétifs, les plus sauvages s’apaisaient quand Picus doucement leur parlait.
Un
jour qu’il chevauchait avec des compagnons aux environs du Lac de Diane et que
nymphes et dryades rivalisaient de charme et de sourires pour attirer son
attention, lui sans même leur adresser un regard, galopait à travers fourrés et
forêt.
Ce
jour- là, Circé la magicienne cueillait les plantes et les baies utiles à ses
onguents et à ses philtres. Elle vit les cavaliers et Picus à leur tête, si
beau que prise d’une violente passion, elle laissa tomber sa cueillette et tenta
de s’approcher, mais en vain ; la troupe était lancée au grand galop. Le
beau cavalier allait lui échapper, alors d’un geste elle fit apparaître un
sanglier auquel elle ordonna de passer devant Picus et de s’enfoncer dans les
bois. Le sanglier lui obéit et bientôt les fourrés devinrent si épais qu’aucun
cheval n’aurait pu les traverser. Picus saute à bas de son cheval et entraîné
par son instinct de chasseur, il courre à pied dans les profondeurs des bois.
Circé
pendant ce temps chante aux divinités mystèrieuses une incantation magique,
celle qui éclipse la lune et tisse devant les dieux un voile de nuages. Alors
le ciel se couvre, d’épais brouillards sortent de terre, les compagnons de
Picus se perdent et le laissent seul.
Pour
Circé, le lieu et l’instant sont favorables à ses désirs, du moins, elle le
croit, elle déclare son amour à Picus. Mais lui la repousse doucement : Je
ne puis être à toi ! C’est une autre que j’aime : Canens, la fille de
Janus et je lui resterai fidèle.
Circé
insiste, en vain. Picus ne violera pas la foi jurée à Canens
Alors
la magicienne outragée, furieuse s’écrie : tu ne la reverras jamais ta Canens !
C’est Circé que tu repousses et tu vas connaître mon pouvoir.
Elle
se tourne deux fois vers le couchant, deux fois vers le levant et tout en
prononçant trois incantations, elle touche Picus de sa baguette.
Picus
fuit en courant, bientôt il ne touche plus terre et sur ses bras étendus il
voit pousser des plumes… quelle horreur ! tout son corps est couvert de
plumes. Il est devenu oiseau et de
colère, il frappe avec son bec les arbres alentour, il massacre leurs branches.
Mais de Picus il ne restera rien… que son nom…
Ses compagnons qui l’avaient cherché et appelé
en vain dans la campagne se trouvent face à Circé qui avait permis aux vents de
dissiper brumes et nuages. Avec violence ils réclament leur roi, ils veulent la
frapper. Alors elle répand autour d’elle des coulées pestilentielles, des boues
vénéneuses ; elle invoque en hurlant la Nuit et toutes les divinités des
Ténèbres. La terre gémit, les forêts pâlissent, de l’herbe jaillissent des
gouttes de sang ; les rochers gémissent ; les chiens aboient, sur le
sol se tordent des serpents, les âmes des morts volent dans le ciel. La troupe
des chasseurs se fige d’horreur et c’est alors que la magicienne les touche de
sa baguette et les voilà changés en bêtes sauvages. Aucun ne réchappera du
sortilège.
Canens
toute la soirée avait attendu le retour de son époux. Des serviteurs et des
habitants flambeaux en main avaient parcouru plaines et forêts en vain.
La
nymphe pleure, s’arrache les cheveux, se griffe la poitrine. Dans sa douleur,
elle parcoure la campagne du Latium, six jours et six nuits, sans nourriture,
sans sommeil elle va, au hasard par monts et vallons. Le sixième jour, épuisée
elle tombe sur la rive du Tibre, et là désespérée, elle pleure. Dans ses
larmes, d’une voix faible elle module un chant plaintif, tel la mélodie que
fait entendre le cygne avant de mourir. Et puis son corps dissous par la
souffrance, se dissipe et s’évanouit peu à peu dans l’air…
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