Tout au nord de l'Europe, presque en Chine, les cavaliers mongols galopent à travers la steppe. Le soir dans la yourte, ils chantent et jouent d'une étranjge viole dont le manche se termine en tête de cheval. C'est le morin-tehour et le morin-tehour a une histoire.
Figurez-vous qu'autrefois, un jeune garçon qui se nommait Suho vivait seul avec sa grand-mère. Ils étaient très pauvres. Lui était berger et malgré son jeune âge il travaillait dur; autant et souvent plus que bien des hommes. Il se levait à l'aube pour aider sa grand-mère aux soins du ménage et des repas, puis il s'occupait des moutons et des bergeries avant d'emmener la vingtaine de bêtes qui composaient son troupeau pâturer sur la steppe.
Suho aimait chanter, il avait une belle voix, connaissait beaucoup de chansons et les autres bergers aimaient à l'entendre.
Un soir,alors que le soleil avait disparu derrière les montagnes, la nuit s'étendait sur la steppe et Suho n'était pas rentré. La grand-mère était bien inquiète, les autres bergers allaient partir à sa recherche, quand le garçon est arrivé portant dans ses bras un animal tout blanc, bien trop gros pour être un mouton. Suho était fou de joie; il avait trouvé un poulain nouveau-né qui s'agitait pour se dresser sur ses faibles jambes; la mère as là pour l'aider. Il avait regardé partout: ni jument ni humain ne se trouvait dans les parages et le poulain risquait bien de finir sous les crocs d'un loup, alors il l'avait pris avec lui.
Du temps passa; Suho avait nourri au lait de brebis le poulain que personne n'était venu réclamer et qui grandissait comme grandissait l'amour entre le Suho et Cheval Blanc. Bientôt la robe immaculée à laquelle il devait son nom fit l'admiration de tous et jamais cheval ne fut soigné et aimé comme le fut Cheval Blanc qui ne se contentait pas d'être beau. Il était brave aussi et savait se rendre utile, comme pendant cette nuit où un vacarme insolite éveilla Suho: les moutons s'agitaient et bêlaient, Cheval Blanc hennissait et des grognements féroces se faisaient entendre du côté de l'enclos. Le berger ne fit qu'un bond pour voir Cheval Blanc dressé et menaçant de ses sabots un grand loup affamé.
Les loups sont peureux et Suho n'eut aucune peine à le faire déguerpir. Cheval Blanc avait eu très peur; il avait sauvé les moutons mais il était trempé de sueur. Suho le caressa, l'étrilla tout en le remerciant comme un frère.
Du temps passa encore, puis voilà qu'au printemps une grande nouvelle courut sur la steppe: le seigneur du pays allait donner sa fille en mariage au vainqueur d'une grande course qu'il organisait. Tous les bergers encourageaient Suho à y participer: monté sur Cheval Blanc, il n'aurait aucune peine à remporter la victoire. Et c'est ainsi que Suho enfourcha Cheval Blanc pour se rendre à la ville.
Il y avait foule autour du champ de course. Majestueux sur une estrade, le seigneur donna le signal du départ. Ce fut une course magnifique. Des jeunes gens, riches pour la plupart montés sur les plus beaux coursiers venus des provinces les plus reculées filaient comme le vent, les sabots martelant le sol dans un bruit de tonnerre. Bientôt on ne vit plus qu'un éclair blanc qui devançait tous les autres: c'était Cheval Blanc qui, portant Suho faisait voler la poussière de la steppe.
Le seigneur admiratif le proclama vainqueur et fit venir devant lui cheval et cavalier. Mais quand il apprit que Suho n'était qu'un pauvre berger, il renia sa promesse; sa fille ne pouvait prendre un si pauvre homme pour époux!
"Tiens, dit-il au jeune homme, voilà pour toi trois pièces d'argent et je garde ton cheval."
Suho, fièrement lui répondit qu'il était venu là pour la course et non pour vendre son cheval!
Un berger ne parle pas sur ce ton à un seigneur des steppes! Le maître furieux fit rosser Suho par ses valets. Le malheureux perdit connaissance tandis que des palefreniers conduisaient Cheval Balnc aux écuries du seigneur.
Les bergers amis de Suho le ramenèrent chez lui sanglant et couverts de bosses. Sa grand-mère mit longtemps à le soigner. Ses plaies finirent par se refermer mais pas celle qui saignait en son coeur. Il ne pensait plus qu'à son Cheval Blanc qu'il avait perdu. Desespéré de ne pas savoir ce qu'il était devenu, il ne dormait plus, mangeait à peine...
Le seigneur, lui n'en pouvait plus d'orgueil; fier de s'être emparé d'un si beau cheval, il voulut le montrer aux seigneurs ses voisin. Il les invita à une grande fête et à l'issue d'un festin, il fit amener Cheval Blanc et eut la mauvaise idée de le monter. A peine fut-il en selle que le cheval rua, se cabra, fit des sauts de mouton tant et si bien que le seigneur vida les étriers. La chute fut rude et il lâcha les rênes. Cheval Blanc se sentant libre partit au galop...
Le Seigneur furieux hurlait; " Rattrapez-le, rattrapez-le!!"
Mais on ne pouvait pas rattraper Cheval Blanc. Alors il ordonna à ses archers de tirer sur lui. Une volée de flèches se planta dans son dos, mais il continua sa course folle.
Suho, qui allait se coucher triste comme à l'accoutumée, entendit une galopade. La grand-mère qui n'était pas encore rentrée lui cria: "Suho, Suho! C'est cheval blanc qui revient!"
Suho sortit en courant. Oui, c'était bien son Cheval Blanc, mais sa belle robe était rouge de sang, les flèches lui déchiraient le dos et les flancs. Suho en larmes les retira doucement une à une, mais Cheval Blanc épuisé s'était couché et perdait des flots de sang. Le berger eut beau le panser, le soigner, le supplier de boire, de manger, de ne pas mourir, il était de plus en plus faible . Au matin, il ferma les yeux.
Suho pensa mourir avec lui de chagrin. Il pleura, sanglota à en perdre les yeux. Terrassé de fatigue et de désespoir, il finit par s'endormir... Il eut un rêve: Cheval Blanc se serrait contre lui et tandis qu'il le caressait, le cheval lui parla: "Prends mes os, lui dit-il, prends ma peau, mes crin, mes tendons. Tu en feras un viole et chaque fois que tu chanteras c'est moi qui t'accompagnerai. Ainsi, personne ne nous séparera plus.
Suho se leva, fit tout ce que Cheval Blanc lui avait dit; bientôt il eut fabriqué un magnifique instrument
dont il sculpta le manche à la ressemblance de son cheval aimé. Bien sûr cette viole lui rappelait la perte de son ami, mais aussi la joie qu'il avait eue en galopant avec lui à travers la steppe. Il en tira la plus belle musique du monde. Le soir, autour du feu, dans la yourte, les bergers en oubliaient la fatigue du jour. Dans toute la steppe, les musiciens voulurent égaler Suho et se mirent à fabriquer des violes à tête de cheval; ils en fabriquent encore. Mais aucune jamais n'aura les accents de celle qui perpétua l'amour d'un jeune garçon pour un beau cheval blanc!
1 commentaire:
Dis donc pour une fois que c'est ma fête..je suis du signe du cheval, et bonne année ,ma poule !
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