Il arriva qu’en traversant une ville où se
tenait un marché, les voyageurs croisèrent un paysan qui portait autour du cou
ses souliers et sous le bras, des pièces de cuir roulées. En le voyant, Merlin
se mit à rire.
Ses compagnons le trouvant bien insolent
lui demandèrent ce que ce pauvre avait de si risible.
« Demandez donc à cet homme ce qu’il
compte faire de tout ce cuir ! moi je pense qu’il veut partir en
pèlerinage et faire réparer ses souliers avant de partir.
Précaution bien inutile ; ce pauvre
sera mort ce soir avant même d’être rentré chez lui !
- Mais… il a l’air en parfaite
santé !
- Sans doute… mais posez –lui la question
en ensuite, suivez-le ; vous verrez bien ! »
Les messagers surpris, abordent le
bonhomme et lui demandent :
« Que comptez- vous faire de tout ce
cuir ? Et pourquoi portez-vous vos souliers autour du cou ?
- C’est que… mes souliers sont usés et
comme je dois partir en pèlerinage, je les porte au cordonnier pour qu’il me
les répare ! »
Voilà mes compagnons tout pantois. Ils
suivent le paysan qui rentre chez lui sa course faite ; quelle n’est pas leur stupeur de le voir
tomber raide mort sur le route peu avant sa maison. Ils se penchent sur lui et
vérifient qu’il est bien mort, puis vont retrouver Merlin et se demandant entre
eux pourquoi Vortigern et ses mages veulent la mort d’un enfant qui possède de
tels dons.
Ce qui les conforte dans leur décision de
risquer les foudres du roi plutôt que de lui faire le moindre mal.
Merlin vient à leur rencontre et les
remercie chaleureusement de leur attitude. Les hommes surpris lui demandent
pourquoi il les remercie.
« Mais de ce que vous venez de
dire ! et du risque que vous prenez en m’accordant votre
protection. »
Surpris encore un fois de voir que Merlin
avait connaissance de propos qu’il n’avait pas pu entendre, ils reprennent la
route avec lui. Mais ils savent maintenant qu’aucune de leurs parole, aucun de
leurs faits et gestes, ne peut échapper à cet étrange enfant.
Ils vont, et abordent une ville où l’on
enterrait un enfant . Les prêtres chantaient, des hommes, des femmes suivaient
le cercueil, désolés, pleurant, se lamentant. En les voyant, Merlin se mit à
rire.
Ses compagnons indignés, voulurent le
faire cesser en lui demandant ce qu’il pouvait trouver de si drôle à un aussi
triste spectacle.
« C’est que, dit Merlin, voyez cet
homme désespéré, qui pleure son enfant et voyez ce prêtre qui chante en tête du
cortège.
- Oui ! et alors ?
-Eh bien, celui qui pleure n’est pas le
père et c’est celui qui chante qui devrait pleurer !
- Mais… qu’en sais-tu ?
- Allez donc poser la question à la
mère ; demandez-lui pourquoi son mari est si triste.
- C’est bien simple : parce qu’il est
le père de l’enfant mort. C’est ce qu’elle va nous répondre !
- Oui ! alors vous lui direz tous bas
que vous savez tout et que le père de l’enfant n’est pas son mari, mais le
prêtre et que le prêtre le sait bien puisque elle le lui a avoué en confession.
Deux des hommes s’en furent discrètement
interroger la femme qui, affolée, les pria de ne rien révéler à son mari, ce
qui était bien un aveu. Puis il regagnèrent le groupe et les quatre messagers
tombèrent d’accord : jamais ils n’avaient entendu parler d’un tel devin.
Chemin faisant ils approchaient de la
demeure de Vertigier. Quand il ne leur resta plus qu’une journée de marche, ils
firent halte pour convenir avec Merlin de la manière d’aborder le roi de façon
qu’à aucun moment sa vie ne soit mise en danger. Merlin, certain que ses
compagnons ne voulaient que son bien, leur donna ses instructions.
« Allez trouver le roi et dites-lui
que je suis avec vous. Rapportez-lui tout ce que vous avez vu pendant notre
voyage et dites-lui surtout que je peux lui dire pourquoi sa tour s’écroule,
mais à la condition qu’il fasse subir à ses mages le sort qu’ils me
réservaient. Ensuite, faites ce qu’il vous dira.
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