Les sept cèdres rouges-
Au temps où des forêts couvraient nos champs de blé, où les villages n’étaient
que quelques huttes blotties dans une clairière, il y avait sept braves ;
sept chasseurs infatigables ; sept guerriers indomptables. Quand ils
partaient à la chasse, le gibier semblait venir tout seul s’embrocher sur leurs
flèches. Quand ils étaient en guerre, l’ennemi s’offrait sans résistance à
leurs coups. Ils avaient en outre de grands pouvoirs ; ils savaient faire
venir la pluie, et à peine approchaient-ils un malade que le mal s’envolait
comme effrayé à leur vue.
Hélas, un jour, on ne les vit plus au village ; ils avaient disparu et
ne restait que leur souvenir et le regret de leur absence. Pourtant la vie
continua, des enfants naquirent, grandirent et devinrent des hommes.
Or, voici que l’un d’eux se trouvait
à l’âge où l’on doit avoir le rêve ou la vision qui indique quel homme
devenir ; il s’éloigna du village pour jeûner et méditer. Il marchait à
l’orée de la forêt, face à la plaine qui s’étendait à perte de vue jusqu’aux
nuages, quand il vit dressées devant lui, sept pierres gigantesques, hautes
deux fois comme un homme. Très impressionné, il s’approcha et entendit une des
pierres lui parler ; elle disait cette pierre, qu’il était là en présence
des sept chamans disparus.
Tout chamboulé, il rentra au village et raconta sa vision au sorcier, qui
lui demanda de le conduire à l’endroit où il avait vu les pierres. Suivis du
chef et des plus sages guerriers, ils se rendirent près de la falaise. Ce
n’était pas un rêve : là où rien n’était auparavant, se dressaient les
sept pierres.
Les hommes et les femmes prirent l’habitude de venir les invoquer pour la
chasse ou la guerre, pour le soleil ou la pluie, pour la naissance des
enfants ; on apportait là les malades qui, une fois les sept pierres
touchées, retrouvaient la santé. Au fil du temps, les rochers donnèrent tous
les bienfaits que dispensaient avant les sept braves disparus.
Et la stupeur fut grande quand un jour, au bord de la falaise ne se
dressaient plus sept pierres mais sept grands arbres ; sept cèdres rouges.
Le sorcier s’enferma longtemps chez lui ; on entendit jour et nuit
battre le tambour ; des fumées et des odeurs étranges s’échappaient de sa
demeure. Quand enfin il sortit, il put révéler ce qu’il avait appris. Il avait
appris les vertus bienfaisantes du Cèdre Rouge, un arbre qui aide les hommes à
vivre et à guérir. On rendit aux arbres le culte qu’on avait rendu aux pierres,
puis un jour, dans un grand frémissement de feuilles et de branches, les
esprits des chamans s’envolèrent. Leur mission accomplie, il était temps pour
eux de prendre leur place parmi les étoiles. Leurs corps devenus des arbres,
restés sur terre se sont multipliés afin que les hommes puissent utiliser leur
force miraculeuse. Et longtemps les hommes de la forêt, ont célébré les saisons
en jetant dans le feu des copeaux de cèdre rouge.
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