Nous nous promenions
sur la plage de Trouville...
Tout à coup, un nez très froid se
glisse dans ma manche, et ce nez n'est pas celui d'un serpent ni même d'une
anguille de mer.
"Que voulez-vous, belle
étrangère?" demandons-nous à l'aimable personne qui cherche à s'insinuer
dans notre confiance.
C'est une jeune chienne; à première
vue, nous lui donnons un an; elle est de taille moyenne, blanche, tachée de
noir, avec de beaux yeux doux, dont un semble poché, parce que son bandeau noir
descend beaucoup plus bas que l'autre; sa robe, très soyeuse, recouvre des
formes agréables...
"Que veux-tu, ma petite?"
lui dit-on avec une familiarité qui ne semble pas lui déplaire.
Ce qu'elle veut?
manger, tout simplement.
"Elle n'appartient à personne,
nous dit un flâneur du pays; et le bateau du Havre l'a laissée là, dimanche
dernier.
-Une si jolie bête.
- Oui, on l'aura oubliée, sans
doute."
Pas de collier: une
espèce de corde malpropre..;
-" Allons,
mademoiselle, venez chez le boulanger, qu'on vous offre à déjeuner."
A déjeuner, oui, et à dîner sans
doute pour hier et avant-hier, et les jours précédents, car les petits pains
d'un sou disparaissent avec une telle rapidité qu'on lui donne une livre de
gros pain pour en finir. La livre de gros pain disparait aussi.
"Pauvre bête! elle a bien fait
de venir à nous! et maintenant, un bon coup d'eau claire à la fontaine..."
- Nous reprenons notre promenade, et
cette jolie personne nous suit...
"Elle est jolie, cette bête!
dit l'un de nous.
'- Elle a l'air très doux..."
Nous fîmes quelques
pas: l'aimable jeune personne nous suivait toujours. Un vieux pêcheur nous
suivait aussi, la pipe aux dents.
"Emmenez-la donc, dit-il: ça
sera une bonne oeuvre.
- Allons, c'est dit! Viens, ma belle, tu nous
appartiens..."
-C'est ainsi que nous rentrâmes à
Trouville. on conduisit notre pupille à l'écurie; elle dîna, nous aussi; et le
lendemain, nous prîmes le chemin de fer - elle dans le fourgon, - pour rentrer
au logis...
- "Comment la nommer?
dîmes-nous au moment d'arriver.
- Elle est jolie, on la nommera
Belle.
Henry Gréville
1 commentaire:
Et moi qui lutte pour ne pas aller à la SPA et laisser tenter!
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