Voici
venir les nuits les plus courtes ; si courtes qu’au réveil, on ne sait
plus très bien si l’on a rêvé ou si l’on a vécu. Ce sont les nuits du temps des
fées.
Obéron
fit venir Puck le farceur, son lutin favori : « Tu vas, lui dit-il,
aller chercher de la Pensée d’Amour et tu en feras une poudre que tu vas
m’apporter. »
La
Pensée d’Amour est une fleur qui, son nom l’indique, rend amoureux. Réduite en
poudre, si on la sème sur les paupières d’un dormeur ou d’une dormeuse en
prononçant les bonnes paroles, l’endormi au réveil, s’éprend éperdument du
premier être qui se présente à ses yeux.
L’intention
du Roi des Fées était d’en jeter sur son épouse après avoir placé à son chevet
il ne savait encore qui ou quoi, mais un être impossible en tout cas et il
riait d’avance de la bonne plaisanterie.
Quand
Puck revint avec la poudre magique, la nuit était tombée et Titania dormait.
Obéron se mit à chercher dans le Bois des Fées le compagnon qu’il destinait à
sa fée chérie. Il y avait là justement, un charbonnier, un de ces hommes des
bois dont on se demande s’ils savent seulement parler, tant ils sont sauvages
et peu avenants.
« Voilà,
voilà celui qu’il me faut mon bon Puck ! Conduis-le au chevet de la Reine
et …attends ! pour que la farce soit complète, regarde ! »
Et
Obéron prononçant des paroles magiques, fit au paysan une tête d’âne.
« Ah !
ma douce Titania, que voilà un bel amoureux ! » Et il allait pour jeter
la poudre d’amour sur la fée quand il entendit dans le bois un étrange
remue-ménage, des querelles d’amoureux. Obéron savait mieux que personne les
reconnaitre. Il tendit l’oreille et alla se percher sur la branche d’un gros
chêne pour en savoir plus long.
C’est
une dispute entre deux amoureux ou plus exactement, oh… que c’est vilain !
C’est un garçon en colère qui chasse une jeune fille en pleurs. Il ne l’aime
plus ; il lui préfère sa meilleure amie qu’il doit épouser ; quelle
cesse de le suivre ! Il en a assez et il part en courant laissant la
pauvre Hélène, c’est son nom, seule dans le bois. Il fait noir, elle a peur.
Obéron
et Titania, il est vrai se chamaillent sans cesse, mais ils s’aiment et tous
deux protègent les amours sincères. Le Roi des Fées pense châtier l’inconstant,
mais l’amour d’Hélène le touche. Il y a mieux à faire ; il appelle Puck et
lui donne un peu de poudre de Pensée d’Amour.
« Il
y a dans ce bois, un jeune homme tu le reconnaitra, il porte un costume grec.
Si tu le trouves endormi, verse-lui un peu de poudre sur les yeux, en s’éveillant,
il verra Hélène et il ne pourra faire autrement que l’aimer. »…
Mais
d’autres amoureux avaient rendez-vous dans ce bois : Hermia l’amie d’Hélène
que veut épouser Démétrius le fiancé volage, et Lysandre. Hermia ne veut pas
épouser Démétrius ; c’est Lysandre qu’elle aime. Ils se sont donné
rendez-vous en secret au Bois des Fées. C’est la nuit, ils sont seuls dans le
bois, du moins le croient-ils ; ils s’aiment. La nuit est courte mais c’est
leur nuit d’amour et un peu avant l’aurore, ils s’endorment. Lysandre est grec
lui aussi et Puck qui ne sait pas que deux jeunes homme sont dans ce bois, le
voyant vêtu en grec, verse sur ses paupières un peu de poudre magique. Il
entend des pas et se sauve. C’est Hélène ; elle est perdue. Elle voit un homme endormi, elle se penche sur
lui, il ouvre les yeux… catastrophe, c’est Hélène qu’il aperçoit ! Il lui
déclare sa flamme, mais elle, ne veut que Démétrius et c’est au tour d’Hermia,
délaissée, de pleurer !
Vous
suivez ? On va faire une pause, parce que je ne sais pas vraiment comment
on va se sortir de cette affaire.
Retournons
chez les fées. Titania est endormie ; Obéron s’approche suivi de l’homme à
la tête d’Âne qu’il place au chevet de son épouse sur qui il répand un peu de
Pensée d’Amour. La fée ouvre les yeux et ouvre les bras au monstre qui ne pense
qu’à boire et à manger. L’amour est aveugle, surtout quand il est magique. Avant
que s’accomplisse l’irréparable, Obéron se montre et rit de tout son cœur :
« C’est
donc ainsi, ma belle amie que vous dormez seule ? Certes je ne peux rivaliser avec un si bel amant ! ».
La reine des fées, confuse dut demander pardon à son époux et promettre de ne jamais
plus lui fermer sa porte.
Le
jour était sur le point de se lever, des pleurs et des cris montaient du petit
bois. La confusion était à son comble : les deux filles naguère amies se
prennent aux cheveux ; les deux garçons ont tiré leur épée ; ils vont
s’entretuer !
Tout
ce gâchis n’amuse ni Obéron ni Titania ; ils appellent Puck. Qu’il répande
un brouillard épais sur les jeunes gens, qu’ils ne puissent plus se voir.
Titania prononce des paroles magiques ; Obéron répand ce qui lui reste de
Pensée d’Amour, puis il souffle pour disperser le brouillard. Le jour s’est
levé ; les rayons du soleil percent les branches des arbres. Hermia est
dans le bras de Lysandre, Démétrius embrasse Hélène. Ils ne savent plus s’ils
ont ou non rêvé cette aventure. Sur la
branche du grand Chêne Obéron sourit à Titania…
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