Les
Animaux du Huitième Jour
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uand Dieu eut fini de créer le monde, le septième jour il
se reposa ; tout le monde le sait. Mais que fit-il le huitième ? Tout
le monde ne le sait pas…
Ce jour-là, Dieu se leva tranquillement,
sans faire sonner son réveil, se prépara un bon petit déjeuner qu’il prit sans
hâte en écoutant les nouvelles portées par ses anges informateurs. Puis il se
fit couler un bain parfumé d’huiles odorantes dans lequel il se prélassa. Des
chérubins musicaux lui donnaient une aubade et je crois bien qu’il fit un petit
somme ; la température de l’eau qui tiédissait le réveilla. Il se sécha,
se talqua, se parfuma et après s’être arrangé soigneusement la barbe et les
cheveux, revêtit une tunique de lin blanc qui le changea agréablement des cottes
de travail qu’il portait depuis une semaine.
Détendu, en pleine forme, il alla
s’installer sur son nuage favori et reçut quelques séraphins et archanges avec
qui il expédia les affaires courantes. Tout ceci le mena jusqu’à midi. Il
apprécia un déjeuner soigné, servi sur une table garnie de fleurs qui lui fit
oublier les nombreux plateaux repas servis dans l’atelier, sur un coin d’établi
et dont il avalait le contenu sans même savoir ce qu’il mangeait tant la
Création était alors son unique souci. Le déjeuner fini, Dieu retourna sur son
nuage où il s’accorda une petite sieste… ;
Il s’éveilla plein d ‘énergie et
d’idées, mais…. Il n’avait plus rien à faire !
Dieu s’en alla promener dans son Paradis où tout était si
parfait ; il examinait tout, cherchait des retouches à faire, des êtres ou
des choses à améliorer. Mais rien, rien décidément ne clochait dans la
création, et Dieu continuait à arpenter les allées du Jardin d’Eden, cherchant
en vain une mauvaise herbe à arracher. Il arriva ainsi aux confins du paradis
où se trouvait son atelier, cet atelier dans lequel il avait fabriqué toutes
ces merveilles. Il se souvint alors qu’au soir du sixième jour, il était si
fatigué qu’il avait fermé la porte sans rien ranger ;
« En voilà une bonne idée !se
dit-il, je vais mettre de l’ordre là-dedans et qui sait, quand j’en aurai fini,
je trouverai peut-être à créer quelque chose qui manque encore à
l’Univers. »
Et Dieu poussa la porte ; quel
fourbi ! il y en avait des choses à jeter : les chutes des matériaux
dont il s’était servi ; de la fourrure, des plumes, des pattes, des
palmes, des nageoires, de la corne, des os, des dents, du clair, du foncé, du
lourd, du léger, de l’uni, du moucheté, du rayé… Mais tout était
disparate : il n’y avait pas là de quoi faire une plante, encore moins un
animal qui soit un peu cohérent.
Dieu ne se décourage pas
facilement ; toutes ces chutes, tous ces morceaux étaient en bon état, de
première qualité, il eut été dommage de les jeter.
« Mais, je me connais, se dit Dieu,
si je les range dans des caisses, je les oublierai et tous ces beaux matériaux
resteront inutilisés ! Allons, voyons… Je suis un créateur… Le suis LE
créateur ! »
Il restait, punaisé au mur, les fiches
techniques de quelques animaux qu’il n’avait pas cru utile de fabriquer ;
alors Dieu se mit à son établi et commença de piocher dans les chutes et de les
assembler : ça donnait vraiment des trucs étonnants !…
« Voyons… cette fourrure mouchetée,
je l’avais prévue pour un félin…mais les taches sont trop grosses… Ah !pas
mal sur ce corps de vache, mais il faudrait des pattes. Zut !deux courtes
et deux longues, ça ne va pas… quoique… en inclinant le dos, on va y arriver.
Bon, maintenant la tête… J’ai là un cou beaucoup trop long et deux très beaux
yeux, avec deux grandes oreilles et des petits andouillers de chevreuil… Ce
n’est pas très beau, mais c’est rigolo ; je vais ajouter cette drôle de
queue avec un plumet au bout et des sabots qui me restent des chevaux, j’en ai
plein… Drôle de bête ! Je vais lui ajouter une pincée de légèreté, qu’au
moins elle soit gracieuse. Voilà… sa tête tourne de droite à gauche et je vais
la nommer … je vais la nommer… voyons, voyons… »
Il décrocha une fiche, regarda le nom
marqué, souffla dans les oreilles de biche de la drôle de bête et dans les
allées du Paradis, il lança la première Girafe.
Tout content, il se frotta les mains et
retourna farfouiller dans ses chutes.
Cette peau rayée de noir et de blanc, par
exemple, qui avait juste la taille de ce corps d’âne ; oui, mais il
manquait une tête. Tiens, justement une tête de poney n’avait pas été
utilisée ; avec cette crinière noire un peu balais brosse, ça donnait un
animal sympathique. Dieu prit la fiche « Zèbre », souffla dans les
naseaux de la nouvelle créature qui partit au galop.
Avec une fourrure de zibeline, des palmes
et un bec de canard, il fit l’ornithorynque. Le fou rire le prit : c’était
encore plus drôle de fabriquer ces monstres que tout le reste de la Création.
Un tas de têtes, de membres et de corps
énormes encombrait tout un coin de l’atelier : de la peau grise et
rugueuse refusait de se laisser plier ou rouler. Jamais on ne pourrait mettre
d’ordre dans cette pièce si on n’en faisait pas quelque chose, mais tout était
bien laid. Au hasard, presque les yeux fermés, Dieu assemble les grosses têtes,
les grosses pattes, la peau en plis invraisemblables. Un des animaux était si
laid que Dieu le mit dans l’eau avec ordre d’en sortir le moins possible :
il le nomma hippopotame.
L’autre était presque aussi laid avec en
plus de petits yeux qui lui donnaient l’air méchant. « Il ne peut pas être
pire ! » marmonna Dieu en lui rajoutant sur le nez une double corne
pointue. Il l’arrosa d’un peu de lourd qui restait dans un bidon et vous avez
deviné qu’il venait de créer le rhinocéros.
Toute la journée, Dieu bricola ; il
s’amusait bien et donna le jour au crocodile, au kiwi, au kangourou, au toucan
et à bien d’autres encore…
Vers la fin, il avait encore de quoi
faire des chiens ; ce qui clochait, c’était de nouveau les pattes :
des pattes avant longues, des pattes arrière courtes. Il prit la fiche
« Hyène » et modifia quelques éléments. La Hyène, animée, se regarda
dans la glace et se mit à rire…
Il ne restait plus gran -chose… Dieu avec
des poils et une tête, fit un animal qui tenait à la fois du renard et du
lapin. De nouveau les pattes posaient problème : il avait deux pattes
gauches longues et deux pattes droites courtes. La fiche qui restait portait le
nom « Dahu »…
Non, pensa Dieu… cette bête là, personne
n’y croirait !
1 commentaire:
Il était fatigué ce bon dieu après seulement une semaine de travail ! Quant au recyclage des rebuts, nous avons sur, les blogs des artistes talentueux qui font preuve de plus d'imagination. Finalement pas très impressionnant le divin barbu!
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