Elle monta dans sa chambre,
rassembla dans un sac un peu de linge, quelques bijoux que lui avait laissé sa
mère et un peu, oh si peu d’argent. Elle attendit et quand tout fut calme dans
la maison, quand elle eut entendu la voiture quitter la cour emmenant les deux
époux, elle sortit par la porte de
l’office, dissimulant son sac sous son grand manteau. C’était l’heure où
souvent, elle allait à l’office à Saint-Gervais.
Elle aimait cette église aux murs
de pierre blonde qui la rendaient plus lumineuse que les autres. En passant
devant le porche ouvert sur les jardins du couvent, au fond du corridor sombre,
les fleurs du jardin ensoleillée se découpaient sur l’ovale du porche et une
branche de prunus en fleurs se balançait doucement en diagonale, rose sur le
ciel bleu. Elle ressentit cette douceur comme une caresse amicale du destin, et
elle continua vers l’église alors que quelques instants avant, elle se
demandait ce qu’elle venait y faire. Le curé ne lui serait d’aucun
secours : elle s’était confiée à lui en confession et si, bien entendu, il
ne pouvait lui conseiller de céder à son beau-père, il lui prêchait la docilité
et lui vantait, dans son cas, les mérites du couvent. Oui, qu’allait-elle
chercher dans cette jolie église blonde et paisible ? Pourtant, elle
poussa la porte et s’approcha du bénitier ; sa main en rencontra une
autre : celle d’un homme qui ne lui offrait pas l’eau bénite pour la
première fois. Un grand escogriffe, maigre, aux traits anguleux ; il était
loin d’être beau, mais son regard noir était attachant.
Un regard qui venait de se fixer
sur son bagage : « Venez, dit-il à mi-voix, et lui prenant le
coude, il la dirigea vers la sortie. Dehors, ils firent quelques pas,
franchirent le porche sombre et se retrouvèrent dans le jardin. Un banc au
soleil les attendait.
Elle se sentait gênée d’avoir
suivi un parfait inconnu et pourtant, elle n’aurait pu faire autrement. L’homme
se présenta fort civilement : Florimond d’Estivelle. Lucrèce ne savait
trop que lui répondre et lui qui avait remarqué le gros sac posé à ses pieds,
la voyant embarrassée se mit à parler théâtre, littérature. Elle restait silencieuse tandis que lui,
faisait questions et réponses. Enfin, la
jeune fille se souvenant qu’elle était
fugitive et ne devait pas trop s’attarder dans les parages, elle prit congé.
Florimond lui demanda s’il pouvait l’accompagner ; elle rougit, balbutia
et soudain l’évidence lui apparut, elle ne savait où aller. On a beau n’être
pas une mauviette, on a beau vouloir rester maîtresse de son destin, on a beau
détester se faire plaindre, il est des moments où le courage fait défaut…
L’après-midi touchait à sa fin ; elle pourrait se passer de dîner, mais où
aller dormir. La nuit est dangereuse au cœur de la ville. Elle eut comme un
vertige que le comédien remarqua. : « Auriez-vous besoin
d’aide ? Où voulez-vous aller ? Loin de moi l’idée de vous
importuner, mais il semble… » Il n’acheva pas : Lucrèce était
retombée sur le banc, et laissait des sanglots trop longtemps contenus la
secouer. « Voyons, voyons … que vous arrive-t-il ? Où
habitez-vous ? Venez, ne craignez rien, je vous raccompagne… » Entre deux hoquets, elle eut un rire
bref : « Me raccompagner ? Mais où ? » - « Mais…
chez vous ! » - « Chez moi ? Mais je n’ai plus de chez
moi ; je n’habite plus nulle part ! »
Elle n’avait rien d’une vagabonde ;
Florimond reprit : « Je peux peut-être vous aider…racontez-moi… »
Alors, comme la porte qui s’ouvre
d’un placard trop chargé, les mots vinrent à Lucrèce et son cœur, son âme, son
esprit, si lourds d’angoisses et de chagrins s’ouvrirent pour cet inconnu ;
un inconnu plus rassurant que les êtres qui faisaient depuis toujours partie de
sa vie.
Quand elle eut tout raconté, le
jeune homme resta silencieux un moment. Enfin, il soupira et tout en hésitant,
il lui dit : « Je sais où vous seriez en sécurité, au moins pour un
temps mais…je crains que ma proposition ne vous agrée pas… »
5 commentaires:
Lucrèce connait au moins son prénom et son nom.
On dit de certains passages qu'ils donnent envie de lire la suite. Je dirais de celui-ci qu'il donne envie de lire la précédence ;-)
s.h.
Merci, Seb... ça me donne envie d'écrire la suite!!
Et moi, je remonte le courant tel le saumon bien appris, et j'espère que cette fois, je lirais TOUTE l'histoire ! hein, tu nous laisses pas en rade, Pomme !
T'inquiètes, Anne, c'est parti...
Juste une pause après 43 pour manque de documentation, mais ça vient...
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