Lise, silencieuse écoutait de
toutes ses oreilles tandis qu’Angélique, enfin à son affaire, dans la
conversation mondaine retrouvait une partie du charme que la campagne lui avait
fait perdre. Pierre tout à fait largué dès lors qu’on ne parlait plus chasses,
forêts ou cultures se leva pour raccompagner le curé qui en avait bien assez
entendu. Mariette aurait bien aimé rester mais par solidarité envers son époux,
elle prit congé sous couleur d’aller vérifier que tout était prêt dans les
chambres pour les hôtes imprévus.
On eut besoin de plusieurs jours
pour remettre en état l’équipage des baladins. Il fallut faire monter un
charron aux Authieux ; on eut aussi besoin de matériel. Le mauvais temps
ralentissait le travail ; tantôt il pleuvait et les routes étaient
glissantes, puis il gelait et les voitures auraient patiné, bref, on ne pouvait
guère sortir. Personne ne songea à s’en plaindre ; les habitants du
château avaient de la visite distrayante et les baladins étaient mieux aux
Authieux que sur les routes. On apprit à se connaître.. ;
Qui pourrait dire les hasards et
les passions qui avaient conduit une poignée de baladins sur les routes
boueuses du Thymerais en hiver ? Quel Dieu malin les avait renversés un
soir de Noël dans les fossés du château des Authieux ?
Estournelle n’en savait rien…
Le vieux monsieur qui avait
précédé Marlon et qui lui avait raconté une partie de l’histoire était mort
sans lui en révéler la fin. Si ses héritiers ne l’avaient pas trouvé, le
coffret renfermant le journal de Louis et divers autres documents était resté
dans sa cachette quelque part dans la bibliothèque. Il appartenait désormais au
compositeur de le retrouver…
Le compositeur, au village, on le
nommait l’Artiste, le Parisien, ou encore pour les plus sympathisants, le
Monsieur du Château. C’est dire qu’il ne faisait pas partie et n’était pas près
de devenir membre à part entière de la population indigène. A ce titre, on
avait pour lui peu d’égards. On le soupçonnait riche et l’avancement des
travaux commandés par lui était inversement proportionnel au montant des factures
qu’il avait l’ingénuité de régler sans délai et parfois même avant l’achèvement
du chantier.
Il ne pouvait toujours pas loger
convenablement chez lui ; les revenants non plus. Dérangés sans doute par
ce remue-ménage, ils avaient dû se réfugier dans les caves ou les greniers.
Marlon, quand il passait une nuit aux Authieux, ne les entendait plus. Le reste
du château étant encore moins habitable que la partie en travaux, il lui
arrivait souvent de dormir chez Estournelle qui lui avait prêté une chambre où
abriter son matériel et sa personne.
Ysolan présent ou non, ils
passaient de longues soirées à épiloguer sur l’histoire des Authieux et le
destin de ses hôtes du temps passé.
Noël arriva.
Période problématique… La famille
d’Estournelle, les Sanzoiseaux, se
voulant originale à tout prix, par défi, ne fêtait jamais Noël ni les
anniversaires, ni aucune fête officielle ; moyennant quoi, on ne fêtait
jamais rien. Aussi avait-elle pris l’habitude de recevoir ce soir-là ceux
qu’elle nommait ses chiens errants, solitaires de toutes provenances.
Ysolan avait perdu sa mère
quelques années auparavant, le reste de sa famille vivait à l’étranger ;
Marlon, enfant de la DASS,avait grandi trimballé de foyer d’accueil en foyer
d’accueil dont il ne gardait pas que de
bons souvenirs et ses amis parisiens n’avaient aucune envie de venir
s’embourber dans le Thymerais en hiver
Cette année-là, Estournelle jeta
son dévolu sur Travel qui arriva flanqué de sa copine du moment, elle-même
escortée d’une copine destinée à Marlon et d’une poignée de comédiens et
techniciens avec lesquels il travaillait à ce moment-là. Elle savait recevoir
et Ysolan, une fois décidé à sortir de sa réserve pouvait se montrer un hôte
agréable ; il avait quand il en usait, un humour assez subtil.
Ce fut un joyeux Noël avec dinde,
sapin, feu de bois et nombreux desserts. Les parisiens fatigués et les
campagnards habitués à se coucher tôt ne purent veiller longtemps.
2 commentaires:
la D.A.S.S., Pomme. Ah, j'aime en arriver là !
Corrigé, Anne et... chouette! le p'tit crayon est revenu... j'ai des joies simples, moi, en fait!!!
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