Il fit comme il avait dit et Passe-L’eau resta au château.
Fourbus mais leurs besaces pleines de lapins et de perdreaux, les chasseurs rentrèrent, affamés, dévorant d’avance ce que Passe-L’eau leur avait préparé. Un triste spectacle les attendait ; dans la salle et dans les cuisines, tout était cassé,culbuté, sans dessus dessous, et le contenu de la marmite, renversé dans la cheminée avait éteint le feu. Passe-L’eau avait disparu. Les deux chasseurs se mirent à explorer la demeure sans retrouver sa trace. Enfin, ils entendirent une faible voix sortant d’un placard et qui appelait au secours. Jean ouvrit la porte et vit Passe-L’eau, recroquevillé et tout tremblant.
‘-Qu’est-ce que tu fais dans ce placard ? demanda Jean
L’autre, honteux, hésitait à répondre. Jean insista :
-Qui est responsable de ce désastre, dit-il en montrant la salle dévastée ?
- C’est un petit poulet, finit pas avouer Passe-L’eau d’une voix hésitante.
- Quoi ? Un petit poulet ? Tu t’es sauvé devant un petit poulet et tu l’as laissé tout casser ?
-Oui, un poulet. Je ne l’ai pas vu arriver, il a commencé par renverser la marmite, puis il m’a battu et enfermé dans le placard !
Les deux chasseurs hurlèrent de rire en se moquant de lui et Jean dit :
-Allons, à table maintenant ! Demain, c’est toi qui viendras chasser avec moi et Lance-Roche gardera le château.
Le lendemain au retour de la chasse, même spectacle de désolation : meubles et marmite renversés, vaisselle cassée et Lance-Roche introuvable. C’est d’une armoire que sortit un pauvre petit « Au secours ! ».
-C’est encore le poulet ? dit Jean après l’avoir sorti de sa cachette.
‘Oui, oui ! Il m’a battu et enfermé dans l’armoire !
- Bon, je vois ce que c’est dit Jean. Demain, vous irez à la chasse et moi je resterai ici. J’ai deux mots à dire à ce poulet !
Le lendemain, Jean, sa grosse canne de cinq quintaux bien en main, attendait le poulet de pied ferme. A peine avait-il montré le bout de son bec, que Jean lui administra une mémorable volée de coups de canne. Voyant qu’il n’avait pas le dessus, le poulet se sauva et disparut par un trou qui était dans le mur.
Au retour de leur chasse, les deux compagnons, assez vexés de voir que Jean ne s’était pas laissé faire, n’osèrent pas poser de questions.
Quand ils eurent bien mangé, Jean prit la parole :
-J’ai fait sauver le poulet, mais il est toujours au château. Si nous voulons vivre ici en paix, il faut le retrouver et en venir à bout. Voyez, dit-il à ses compagnons en leur montrant le trou dans le mur, il s’est sauvé part là.
Lance-Roche se mit aussitôt à desceller les pierres de la muraille et découvrit un puits, si profond qu’on ne pouvait voir où il finissait. Jean de L’Ours s’en fut chercher un tonneau, une lampe et une corde. Il donna la lampe à Passe-L’eauet lui dit :
-Monte dans le tonneau ! C’est toi qui va descendre dans le puits.
Pendant qu’il descendait, un vent glacial montait des profondeurs et faisait vaciller la flamme de la lampe ; il lui vint une frousse bleue et il se mit à crier :
-Je veux remonter ! Faites-moi remonter. !
Jean de l’Ours le remonta et dit à Lance-Roche de prendre sa place ; à peine au milieu du puits, la frousse le prit à son tour et il demanda à être remonté.
Jean, les poings sur les hanches, regarda ses compagnons :
-Eh bien ! Je me croyais entouré de deux costauds, mais vous êtes froussards comme de vielles femmes. Allez , descendez-moi, que je voie ce qu’il y a au fond de ce puits !
1 commentaire:
à la broche, le poulet !
Enregistrer un commentaire