Le sujet intéressait Purnath. Parmi ses projets pour la bauge, il y avait une réforme des régimes matrimoniaux et des systèmes d’héritage à laquelle il tenait particulièrement, mais qui n’était encore qu’une ébauche grossière. Il décida d’en savoir plus. A sa grande surprise, il vit Mahomet secouer la tête. « Comme tous les hommes, répondit-il de sa voix douce, j’essaie d’être un bon époux et un bon père… Je ne peux toutefois t’en dire plus. Cette question, comme beaucoup d’autres, relève d’une doctrine personnelle que je ne souhaite nullement t’imposer.
-De quoi parles-tu ?
-De religion. »
Purnath plissa le groin, et jeta un regard de biais à Horribal. « Les hommes aussi ont des dieux, grogna celui-ci sans cesser de prendre des notes.
-Pour ma part, reprit Mahomet dès qu’on lui eût traduit l’échange, je n’en ai qu’un.
-Comment l’as-tu choisi ?
-Je ne l’ai pas choisi. C’est lui qui s’est révélé à moi. C’est la raison pour laquelle je voyageais seul à travers le désert… J’ai besoin de silence et de temps pour l’écouter. »
Purnath hésita. Il était terriblement impressionné par la lumière qui brillait dans les yeux de Mahomet. Cette lumière, il la connaissait. Les peintres de l’hôtel de bauge avaient vainement tenté de la représenter dans les pupilles du sanglier Bonorrio. Et Purnath, à qui ses victoires sur les plages de Bakoum avaient offert l’ivresse de commandement, aspirait soudain à la sentir brûler au fond de lui. Est-il nécessaire de rappeler que ce don lui fut toujours refusé ainsi qu’il l’avoua lui-même en préambule de son Codex, et qu’il demeura par la suite convaincu d’avoir, par l’intermédiaire de Mahomet, approché la divinité d’aussi près que possible ?
Une phrase semble avoir joué, dans cette révélation, un rôle déterminant. Lorsque Purnath demanda à Mahomet pourquoi il n’avait montré ni peur, ni curiosité particulière à son réveil, celui-ci sourit et répondit : « J’ai repris conscience dans une salle magnifique. J’ai vu par la fenêtre une ville aux bâtiments raffinés. Et j’ai aperçu devant moi deux être intelligents et soucieux de mon bien- être. De quoi aurais-je dû m’inquiéter ? »
A partir de cet instant, Purnath sut qu’il avait affaire à un saint.
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