Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

vendredi 11 septembre 2009

Lucas et les Sorcières


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n allant de Mainterne à Chennevières, on passe devant un ancien manoir devenu ferme :la Lucazière. Au milieu du champ qui sépare les bâtiments de la route, on peut voir deux grosses pierres. Pas en été parce que les blés les cachent, mais la moisson finie et jusqu’au printemps suivant, on peut aller s’asseoir dessus et méditer un moment. On en repart plein d’énergie nouvelle ; c’est ce que dit la tradition.
Elle dit aussi la tradition, qu’il y a bien longtemps, au temps des religions anciennes se dressait là une forêt, la grande forêt des Carnutes. Dans cette forêt était une clairière et au milieu de la clairière, les pierres, sous un pommier sauvage.
Un garçon du hameau voisin venait là chaque jour chanter et jouer de la flûte ; un flûte qu’il avait inventée et qui avait le don d’attirer à lui toutes les créatures qui vivaient dans les parages. Sa musique possédait un charme tel qu’on pouvait voir dans la clairière la biche auprès du loup et le lièvre sans méfiance blotti contre le renard ; tous les oiseaux du voisinage rivalisaient de trilles avec la flûte magique.
Le garçon avait nom Lucas ; il grandissait et prenait l’âge d’être berger mais les vaches et les moutons de son père l’inspiraient moins que les oiseaux ou le bruit du vent dans les feuilles. Aussi, tôt le matin, avant qu’on ait pu mettre la main sur lui il sifflait son chien et se sauvait dans les bois.
Pour remplacer sa mère morte en lui donnant le jour, une chèvre l’avait nourri ; il l’avait tant aimée, il l’avait tant pleuré sa vie finie, que pour le consoler son père lui avait fait confectionner dans la peau de sa nourrice une houppelande qu’il portait hiver comme été. Curieusement le tanneur avait gardé les cornes fixées à la peau, ce qui donnait à Lucas une bien étrange silhouette quand il rabattait le capuchon. Mais on s’y était habitué et personne n’y faisait plus attention.
Dans la clairière les animaux n’étaient pas seuls à écouter Lucas ; l’incrédulité des hommes n’avait pas encore contraint le petit peuple des sources et des forêts à se rendre invisible. Fées, enchanteurs, elfes et autres lutins participaient discrètement à la vie quotidienne et il n’était ni rare ni étonnant d’en rencontrer sur son chemin. Une fée habitait ce bois ; elle venait souvent entendre Lucas et parler avec lui.
Un jour que le garçon avait eu de nouveaux démêlés avec son père qui le sommait de grandir un peu et de devenir un homme, la fée tenta de le raisonner :
-« Ton père n’a pas tort, Lucas ; tu ne peux pas passer ta vie dans les bois ! C’est vrai pourtant que ta musique est belle ; elle me manquera quand tu auras rejoint les hommes. Tiens, je vais t’aider : j’ai le droit de réaliser un de tes souhaits, mais un seul. Choisis bien et dis moi ce que tu désires ; je te l’accorderai et ensuite tu pourras plus facilement obéir à ton père. »-
Or Lucas ne désirait rien au monde sinon chanter toujours pour la fée et les animaux de la forêt. La fée hocha la tête :
-« Tu veux cela parce que tu es encore un enfant, mais tu changeras. Veux-tu être un homme riche, puissant ? Veux-tu être aimé ? »-
Lucas ne voulait que demeurer ce qu’il était : un adolescent musicien.
-« C’est possible, dit la fée soucieuse, Mais fait bien attention, si tu gardes ta jeunesse, tu n’auras jamais ni foyer, ni enfant, ni amour durable. Tu ne seras jamais comme les autres et il t’arrivera d’avoir de la peine à vivre ta différence. »-
-« C’est tout réfléchi, répondit Lucas. »-
-« Soit, ce ne sera pas facile ! mais après tout, c’est toi qui choisis ton destin. Et puis je ne serai jamais loin de toi et je t’aiderai de mon mieux. »-

1 commentaire:

anne des ocreries a dit…

Alors bon, là, je suis pas sûre qu'il ait bien fait le bon choix...mais en même temps, il a une fée sous la main, ce qui n'est tout de même pas rien, alors, faut voir....

Les Chouchous