Zeus
comme beaucoup d’autres dieux par le monde, en eût un jour assez des créatures
qu’il avait installées dans un lieu magnifique crée tout exprès pour leur
bonheur. Des forêts profondes sous les grands arbres desquelles s’abritaient
tout un monde de biches, de cerfs, de sangliers ; des plaines ondulant
sous les épis dorés, des prairies fleuries butinées par les abeilles, des
rivières poissonneuses, des lacs, des sources, des cascades qui dévalaient les
montagnes. Et puis des elfes, des sylvains, des nymphes, des naïades….
Mais
les humains, au lieu de vivre en paix dans ce monde féerique ne songeaient qu’à
le piller, qu’à se jalouser, se battre, s’entretuer et certains même, osaient
dévorer leurs semblables. Zeus souvent en compagnie d’autres dieux, les
visitait, écoutait leurs doléances, tentait de les satisfaire mais en vain.
Alors
exaspéré, le créateur de ce monde décida de le détruire. Par le feu ? par
des secousses ? l’eau plutôt ! Peut-être avait-il inconsciemment l’idée
de tout recommencer un jour et l’eau si elle détruit, une fois retirée
fertilise le sol.
Quoi
qu’il en soit, Zeus ordonna à Poséidon son frère de frapper de grands coups de
son trident le fond des mers. Alors des vagues gigantesques envahirent les îles
et les rivages engloutissant tout ce qui vivait là. Les fleuves et les rivières
quittèrent leurs lits noyant les berges et les habitations.
Zeus
dénoua le lien du sac où étaient enfermés les vents, il lâcha sa foudre et dans
le fracas du tonnerre et des éclairs, les nuages se déchirèrent et la pluie se
mit à tomber en rafales. L’eau monta, monta inexorablement submergeant les
collines et jusqu’au plus hautes montagnes.
Pas un humain, pas un animal ne put survivre au cataclysme.
Sauf,
un homme et une femme : Pyrrha et Deucalion. Deux êtres de bonté, de
générosité qui ne méritaient pas de périr. Sans doute n’étaient-ils pas les
seuls mais ils étaient cousins de Zeus et le père de Deucalion, Prométhée était
ce Titan qui, entre autres bienfaits avait donné le feu aux hommes.
Avant
la montée des eaux, Deucalion fut averti d’avoir à construire une nef en bois
d’acacia, de lui donner la forme d’un croissant de lune et d’embarquer avec eux
non seulement des vivres pour un long moment, mais aussi les semences de toutes
les plantes et de tous les animaux.
Et
c’est ainsi que tout le temps que dura le déluge, l’arche flotta à la surface
des eaux.
Un
jour enfin la pluie cessa et l’on vit apparaître le sommet des montagnes, puis
une colombe vint se poser sur la nef qui s’échoua sur une hauteur. Plusieurs
monts revendiquent cet atterrissage comme aussi plusieurs civilisations pensent
que cette histoire leur appartient.
Quand
le couple sortit à pas hésitants de leur embarcation, la vue de la boue, de la
terre dévastée, sans un arbre, sans la moindre plante, sans un être vivant,
toute cette étendue boueuse, le ciel bas et sans plus de lumière leur a serré
le cœur. Qu’allaient-ils devenir dans cet univers hostile ? Ils avaient
bien compris que la survie ne leur avait été accordée que dans le seul but de
recréer de ce magma informe un univers purifié, délivré des crimes du monde qui
avait péri. Oui, mais comment ? Ils étaient seuls, si seuls…
Pas
tant que ça ! Les Dieux n’avaient pas disparu avec la création et c’est
Hermès l’infatigable messager qui les envoya consulter Thémis. Seulement
Thémis, comme tous les oracles leur délivra un conseil tout à fait incompréhensible.
Pour refaire le monde leur conseilla-t-elle, ils devraient jeter par-dessus
leur épaule les ossements de leur mère.
Quelle
horreur ! quel sacrilège ! et puis, où trouver dans ce chaos les
sépultures de leurs parents ?
Totalement
abattus, Pyrrha et Deucalion s’en furent en ramassant des pierres et en le
jetant dans leur dos. Pourquoi pas dans l’ordre des tâches impossibles à
accomplir tenter de recréer des hommes avec des cailloux ?
Lequel
des deux en se retournant, vit le premier que les pierres prenaient forme,
s’allongeaient, s’assouplissaient, s’étiraient, bougeaient, les suivaient. Les
pierres jetées par Pyrrha devenaient des femmes, les pierres jetées pas
Deucalion devenaient des hommes. Une humanité belle et vigoureuse prête pour un
nouveau départ.
Thémis
n’avait pas menti : Pyrrha et Deucalion avaient tous deux pour ancêtre
Gaïa, la Terre Mère.