(1)Histoire de Blondine, Bonne Biche et Beau Minon-
Blondine est
une lointaine cousine de Blanche Neige avec qui elle partage une exception: son
prénom la décrit; car dans les contes en général, on ne détaille guère le
physique des héroïnes. On sait vaguement, qu’elles sont blondes et qu’elles ont
les yeux bleus; elles sont douces et gentilles; les brunes sont plus souvent
les méchantes (sauf Blanche-Neige!) . Ce sont les illustrateurs plutôt que les textes qui nous en
donnent une image.
Comme Blanche Neige,
Blondine a perdu sa mère : la princesse Doucette. Son père, le roi Bénin, se remarie avec la fille du roi Turbulent :
la princesse Fourbette. Turbulent semble
si pressé de se débarrasser de sa progéniture qu’on on ne s’étonne pas du vice
et de la méchanceté que laisse présager le prénom de la belle-mère.
Plus tard, Sophie montrera plus de subtilité
en gratifiant ses personnages de noms
qui annoncent leur caractère: ainsi Féréor l’industriel, Monsieur Tappefort le
maître d’école ou bien encore le docteur Tudoux.
Bénin pour sa
part, est un père assez clairvoyant puisqu’il ne laisse jamais Blondine seule
avec sa belle mère. Sophie le décrit ainsi plus perspicace que son propre père
dont les absences la mettaient à la merci de sa terrible mère.
La marâtre Fourbette
déteste sa belle-fille et promet au jeune page Gourmandinet un
coffre plein de bonbons pour qu'il laisse entrer Blondine dans la dangereuse Forêt
des Lilas qui borde le château. Sa
trahison ne profitera guère au jeune garçon qui mourra.
Trahie par la
gourmandise de son page, Blondine, s' engage dans la forêt, s’y perd, appelle, marche
longtemps jusqu’à ce qu’épuisée, elle s'endorme au pied d'un arbre. Que
va-t-elle trouver dans ces bois inquiétants?
Principalement
elle-même, au bout d’une quête initiatique, puisque cette forêt représente sa
propre féminité dont Blondine doit
prendre conscience et qu’il lui faut apprivoiser: elle entre enfant dans la
forêt et en sortira femme.
A son réveil elle trouve un chat blanc qui lui
apporte son petit déjeuner et la conduit à travers cette forêt –semblable à
celle de la Belle au Bois Dormant- dont les buissons s’écartent pour la laisser
passer et se referment derrière elle. Ils arrivent au domaine enchanté de
Bonne-Biche et Beau Minon dont les servantes sont des gazelles. Bonne-Biche
accorde l'hospitalité à l’enfant Blondine qui dormira sept ans, pour se réveiller
adolescente et instruite. De l’instruction classique d’une jeune fille sous le
Second Empire: piano, harpe, chant, dessin, peinture , écriture, lecture. Pour
l’instant, Sophie ne réclame rien de plus ; au fil de son œuvre, elle deviendra
plus exigeante. Presque à chaque roman, le
programme scolaire de l’Héroïne s’enrichira
de matières supplémentaires. Vers la fin, elles apprendront l’algèbre, l’histoire et le latin qu’on n’enseignait
qu’aux garçons. Elle-même, en revanche avait reçu le même enseignement que ses
frères. Sa mère était redoutable, mais c’était une bonne pédagogue
Des souvenirs de la vie de l’auteur alimentent ce conte. Dans le château où Blondine est recluse et où
il faut bien dire qu’elle s’ennuie un peu, un oiseau vient la visiter. Ce n’est
pas un prince sous forme d’oiseau bleu, c’est un perroquet tentateur -
volatile que Sophie détestait autant que sa mère les aimait. Aussi le range-t-elle avec les animaux
maléfiques.
Blondine au seuil de sa vie d’adulte éprouve une
soudaine nostalgie de son enfance ; elle souhaite retrouver son père ; le perroquet se propose de l'y aider et la
pousse à s'enfuir pour aller cueillir une Rose magique.
Mais la régression lui est interdite ; le cours naturel de la vie lui impose
d’avancer.. Au lieu de retourner vers son
père, elle doit aller vers son époux. La Rose
et le Perroquet sont donc des enchanteurs, les pires ennemis de Bonne Biche et
Beau Minon. Blondine tombe dans leur
piège et les délivre en même temps du sort qui les privait de leurs pouvoirs.
Bordant le château de Bonne Biche, se
trouve une seconde forêt, pleine de ronces et d’épines - symbole de la mère
archaïque négative- où se perd Blondine, désespérée d’avoir, croit-elle, causé
la perte de ses amis.
Une grenouille, un crapaud et un corbeau vont l'aider
à survivre jusqu’à ce qu’intervienne la mère archaïque positive sous forme d
une tortue qui la prendra sur son dos pour la faire sortir de cette forêt. Mais
le voyage sera long ; elle ne devra ni parler, processus initiatique
fréquent, ni se retourner puisqu’ elle ne doit plus régresser. Il lui faut
accepter l’irréversibilité du temps. On
se doute que Blondine irait plus vite à pied, donc cette obligation de lenteur,
de silence et de discrétion se veut
bénéfique pour la jeune fille qui livrée à l’impulsivité de son propre désir,
irait trop vite. Souvenons nous qu’Orphée à perdu son Eurydice pour n’avoir pas
su se contenir. C’est un voyage à sens unique dans le temps, une spirale
qui, d’épreuve en épreuve, mène à un
terme lointain. Elle doit en effet, au
sortir de la forêt, traverser encore une plaine aride avant d'arriver à un autre
château, celui de son prince.
Une dernière et terrible épreuve l'y attend: elle trouve dans une armoire, les
dépouilles de Bonne-Biche et Beau Minon. Elle s'évanouit.
Elle revient à elle dans les bras de la fée
Bienveillante Cette fois tous les habitants ont forme humaine : c'est la
fin des enchantements et de l’enfance de Blondine. La fée n'est autre que
Bonne-Biche et Beau-Minon est devenu le prince Parfait.
Sur un char tiré par des Cygnes, tout le monde part
pour la cour du roi Bénin, qui épousera la fée Bienveillante tandis que
Blondine s'unira au Prince Parfait
Si, pour la
comtesse de Ségur, le conte est prétexte à raconter de façon subreptice sa
propre histoire, elle sait puiser dans son imagination de nouvelles images tels
les chars traînés par des autruches, des cygnes, des crapauds ou des alouettes.
Quand aux
animaux doués de paroles, on devine que selon l’usage, ils sont des humains
métamorphosés
. Beau Minon,
le prince destiné à Blondine se présente sous l’apparence du chat qui est un
symbole féminin . L’homme prend cette apparence pour apprivoiser la petite
fille; c’est pourquoi devenue femme, elle devra le dépouiller de sa peau de
chat pour s’unir au prince qu’elle
recouvre.
. Mais tout finira
bien et Blondine pourra enfin réaliser le rêve de certaines : épouser son
chat qui pour les convenances prendra cette fois l’allure d’un prince charmant!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire