Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

vendredi 18 mars 2016

L'étoile (conte amérindien)



Un jeune chasseur était amoureux d’une étoile.
Toutes les nuits, il sortait de la grande hutte des célibataires pour contempler le ciel où brillait son étoile. Il aurait tant voulu l’avoir près de lui, pour lui seul. Mais comment capturer une étoile ?
Le garçon avait pour seule fortune, un flacon transparent qu’il avait trouvé près de la rivière. Il n’avait jamais su au juste à quoi pouvait servir cet objet mais il l’aimait beaucoup et le trouvait très beau. Il l’aurait volontiers donné comme demeure à son étoile.
Une nuit, il a rêvé. Un  rêve si intense qu’il s’est réveillé ; près de lui se trouvait une jeune fille aux yeux brillants, si brillants qu’aucun doute n’était permis : elle était son étoile. Ils se sont aimés tant et tant qu’au matin, au lieu de regagner le ciel, elle accepta pour rester près de lui,  d’habiter le flacon.  
Longtemps ils furent heureux. L’étoile passait toute la journée, dans le flacon et lui pouvait la contempler à loisir ; toutes les nuits, elle le rejoignait sous ses peaux d’ours et de castor et ils s’aimaient, oh comme ils s’aimaient !
Mais les journées sont longues pour une étoile enfermée dans un flacon, même sous l’apparence d’une minuscule jeune fille. Elle finit par s’ennuyer terriblement, par regretter le ciel et sa famille d’étoiles.
Ses yeux, la nuit, brillaient toujours mais le jeune chasseur  y voyait  à présent le regard farouche d’un chat sauvage. Ce qui le rendit très malheureux.
Un soir, en sortant du flacon, l’étoile lui fit ses adieux. Tout en larmes, il la vit prendre une baguette, toucher un arbre qui se mit à grandir,  grandir , grandir…jusqu’à toucher le ciel. Il  a voulu la  suivre quand elle s’est élancée dans les branches.  Elle s’est retournée pour le lui interdire, mais il n’a rien voulu  entendre. Légère, elle montait bien plus vite que lui. Il finit par la perdre de vue mais n’en continua pas moins à grimper, grimper. Soudain, il entendit des tambours de fête, un grand feu illuminait une clairière. Ceux qui dansaient n’étaient pas des guerriers ni des chasseurs, mais de squelettes en habit de cérémonie. Terrifié, il manqua une branche,  glissa, glissa,  dégringola et finit par s’écraser sur le sol dans une douleur immense,  son cœur et son corps  brisés. Il se traîna jusqu’à la hutte pour trouver refuge sous ses peaux de castor où il se blottit dans le parfum de son amour perdu. Il resta couché là  bien des jours et bien des nuits.
L’homme médecine a chanté tous ses chants, a essayé tous ses remèdes, il l’a baigné, fait transpirer. Aucune purification n’a pu le rendre à la nature. Sa tête et son cœur le faisaient souffrir chaque jour davantage..
Une nuit, l’étoile visita son rêve. A son réveil, elle était encore là. Ni son cœur ni sa tête n’étaient plus douloureux. Elle est allée jusqu’à l’arbre qui de nouveau s’est mis à grandir, grandir  jusqu’à toucher le  ciel. Quand elle est montée dans les branches, elle ne lui a pas défendu de le suivre. A sa suite il a grimpé, grimpé. Il a entendu les tambours de fête et ceux qui dansaient pour leurs noces n’étaient plus des squelettes : c’étaient des femmes et des guerriers faits de lumière.
En bas, les jeunes chasseurs sont sortis de la hutte des célibataires. Avec eux, les autres chasseurs, les femmes et les guerriers, toute la tribu  s’est groupée autour de l’arbre avec les tambours de fête. L’homme médecine a trouvé un chant et tous ont dansé pour les noces du jeune chasseur et de l’étoile.

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