Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

vendredi 12 juin 2015

Les sept cèdres rouges



Il y avait dans un village au pays Delaware, sept braves ; sept chasseurs infatigables ; sept guerriers indomptables. Quand ils partaient à la chasse, le gibier semblait venir tout seul s’embrocher sur leurs flèches. Quand ils étaient en guerre, l’ennemi s’offrait sans résistance à leurs coups. Ils avaient en outre de grands pouvoirs ; ils savaient faire venir la pluie, et à peine approchaient-ils un malade que le mal s’envolait comme effrayé à leur vue.
Hélas, un jour, on ne les vit plus au village ; ils avaient disparu et ne restait que leur souvenir et le regret de leur absence. Pourtant la vie continua, des enfants naquirent, grandirent et devinrent des hommes. Or, voici que l’un d’eux se trouvant à l’âge où l’on doit avoir le rêve ou la vision qui indique quel homme devenir, s’éloigna du village pour jeûner et méditer. Il marchait le long d’une falaise quand il vit dressées devant lui, sept pierres gigantesques, hautes deux fois comme un homme. Très impressionné, il s’approcha et entendit une des pierres lui parler ; elle disait cette pierre, qu’il était là en présence des sept chamans disparus.
Tout chamboulé, il rentra au village et raconta sa vision à l’Homme-Médecine qui lui demanda de le conduire à l’endroit où il avait vu les pierres. Suivis du chef et des plus sages guerriers, ils se rendirent près de la falaise. Ce n’était pas un rêve : là où rien n’était auparavant, se dressaient les sept pierres.
Les hommes et les femmes prirent l’habitude de venir les invoquer pour la chasse ou la guerre, pour le soleil ou la pluie, pour la naissance des enfants ; on apportait là les malades qui, une fois les sept pierres touchées, retrouvaient la santé. Au fil du temps, les rochers donnèrent tous les bienfaits que dispensaient avant les sept braves disparus.
Et la stupeur fut grande quand un jour, au bord de la falaise  ne se dressaient plus sept pierres mais sept grands arbres ; sept cèdres rouges.
L’Homme-Médecine s’enferma longtemps chez lui ; on entendit jour et nuit battre le tambour ; des fumées et des odeurs étranges s’échappaient de sa demeure. Quand enfin il sortit, il put révéler ce qu’il avait appris. Il avait appris les vertus bienfaisantes du Cèdre Rouge, un arbre qui aide les hommes à vivre et à guérir. On rendit aux arbres le culte qu’on avait rendu aux pierres, puis un jour, dans un grand frémissement de feuilles et de branches, les esprits des chamans s’envolèrent. Leur mission accomplie, il était temps pour eux de prendre leur place parmi les étoiles. Leurs corps devenus des arbres, restés sur terre se sont multipliés afin que les hommes puissent utiliser leur force miraculeuse. Et depuis, quand chez les Delaware on célèbre la cérémonie de la Grande-Maison, on jette dans le feu des copeaux de cèdre rouge qui sont sa nourriture spirituelle.
Par les nuits claires, levez les yeux vers le ciel, cherchez les Pléiades  et pensez au sept sages qui vous regardent. N’oubliez pas de les remercier pour les vertus du Cèdre Rouge.

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