Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

dimanche 26 octobre 2014

Perfide Albine





Le plus puissant roi de la Grèce (de ce temps là !) avait trente filles ; l’aînée se nommait Albine. Il avait aussi par chance, trente voisins ; des rois moins puissants que lui mais dont il souhaitait l’alliance. Il leur offrit ses filles en mariage, ils acceptèrent. On ne demanda pas l’avis des jouvencelles.
Princesses, riches, elles avaient pris des airs d’indépendance et se trouvaient mal préparées à leur nouveau statut d’épouse. La lune de miel passée, des conflits éclatèrent au sein des couples et les jeunes mariées se plaignirent au roi leur père qui leur enjoignit pour le plus grand bien de la Grèce, de filer doux .
Albine furieuse réunit ses sœurs et résolut avec elles de supprimer les malencontreux conjoints. Hélas, la plus jeune aimait son mari et ne put se résoudre à le tuer. Toute en larmes, elle révéla le complot.
Pour prix de leur forfait manqué, on embarqua les rebelles sans vivres et sans gouvernail sur un navire qu’on poussa vers la haute mer.
Dans le vent, dans la tempête, la nef dériva au gré des courants pendant de longs jours ; les malheureuses étaient plus qu’à- demi mortes de faim, de soif et de fatigue quand leur embarcation s’échoua sur une plage déserte . Elles survécurent grâce à quelques coquillages providentiels et reprirent assez de forces pour explorer cette terre inconnue. Elle était inhabitée mais suffisamment pourvue de plantes et d’animaux pour subsister.
Vingt neuf princesses grecques ( la plus jeune, la traîtresse, était restée chez son époux et aucune ne la regrettait !) vingt-neuf princesses grecques, donc, ne sont pas de faibles femmes ; sous la conduite d’Albine, elles s’organisèrent. Tout d’abord, elles vécurent de chasse, de pêche et de cueillettes, s’abritant dans des grottes et des huttes de fortune au gré de leurs errances.
Cependant elles n’oubliaient pas la brillante civilisation de leur pays d’origine et n’eurent de cesse de retrouver leur vie d’antan. Bientôt elles élevèrent de vraies maisons, puis des palais, elles cultivaient la terre et ne chassaient plus que pour le plaisir car elles avaient domestiqué des animaux et les élevaient. Avec le confort, revint le goût des jeux d’esprit, de l’art et des plaisirs
Oui, des plaisirs……un de ces plaisirs, justement ne pouvait être satisfait, puisque cette île était déserte et qu’elles étaient sœurs. Vingt-neuf jeunes femmes en bonne santé ne pouvaient se contenter des joies de la table et de l’esprit. Il leur fallait des hommes ; il n’y en avait pas !
Bientôt les bois et les vallons les champs et les rivages retentirent de leurs soupirs et de leurs gémissements impudiques. Elles arrachaient leurs vêtements en se tordant sous la lune, hurlant comme chattes en février. La clameur monta dans les airs et tout en haut des cieux fut entendue des démons incubes ; ils descendirent sur terre. Albine et ses sœurs leur parurent belles et désirables ; ils s’unirent à elles.
Apaisées par ces noces diaboliques, les femelles mirent au monde une redoutable progéniture : des géants, qui devenus adultes, faute d’autres compagnes s’accouplèrent à leurs mères. Le résultat fut une nouvelle génération de monstres dont les frères épousèrent les sœurs.
Et voilà comment ce joyeux inceste est à l’origine des nains, des trolls, des géants, des sorcières, bref de cette curieuse humanité qui peuple les légendes.


2 commentaires:

croukougnouche a dit…

oh là là!!!
quelle sarabande!!

P a dit…

Oui, mais laquelle était Sarah???

Les Chouchous