Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

samedi 31 mai 2014

Les Merveilles, Chroniques et Légendes du Bois des Biches- (2)

La Mare aux Biches

Au Bois des Biches dans le brouillard
J’ai vu courir des écureuils
Au Bois des Biches près de la mare
Sont venus danser les chevreuils

Au Bois des Biches un soir d’automne
Le soleil joue dans l’eau dormante
Au Bois des Biches l’herbe frissonne
Le cerf appelle son amante.

Au Bois des Biches sous la neige
Les branches plient jusqu’à terre
Au Bois des Biches, comme au manège
Valsent les flocons de l’hiver.

Au Bois des Biches sous la lune,
La mare gelée, comme un miroir
Eclaire un moment la nuit brune.



Les Merveilles, Chroniques et Légendes du Bois des Biches-


Elles doivent leur nom à la rue où j’habite : un ancien chemin, un peu tortueux qui traverse La Plesse.
La Plesse, ainsi nommée parce qu’autrefois position avancée d’une des fermes qui, au XII° siècle furent fortifiées pour résister à l’Anglais, est un « écart » de Mainterne. On nomme écarts par ici, les hameaux et fermes solitaires au milieu des blés.
Mainterne fait partie du canton de Brezolles, un bourg qu’on trouve au centre du Thymerais… et le Thymerais ? On le rencontre à 30 km environ au nord de Chartres. Ce qui ne laisse pas de surprendre, puisqu’on ignore généralement l’existence de ce bailliage établi par Henri IV en 1589 et dont le siège se trouve à Châteauneuf.
Le Thymerais n’est plus l’Ile de France et pas encore la Normandie ; il est moins plat que la Beauce et pas tout à fait aussi vallonné que le Perche.
Il comprend, outre Châteauneuf et Thimert, Maillebois, Brezolles, Senonches, Belhomert, la Loupe, La Ferté-Vidame et entre Senonches et Maillebois , Louvilliers les Perche.
Sa limite avec le Perche se situe à la lisière sud des bois de la Ferté et de Senonches. 
C’est une terre de cultures, d’histoire et « d’histoires »….

 Attendez... elles vont suivre....

vendredi 30 mai 2014

La tortue


Une fois il y eut un orage.
C'est quand j'ai fait le voeu d'être
une tortue.
Je veux dire une tortue sur la terre!
Celle qui porte une tente dure
sur son dos.
Je ne voulais pas flotter!
je voulais tout rentrer à l'intérieur
et me faire sécher;
Mais les vagues sont venues
qui me secouaient,
et voilà que je commence à être malade en dedans.
Je voulais être une tortue
qui mange les pousses des fleurs et des baies.
Il faut que je fasse mes voeux soigneusement.
Ce sera ainsi
désormais.

Howard A.NORMAN




Un arbre est givré sur l'Almanach et il faut goûter au pudding du Jardin.

jeudi 29 mai 2014

La Reine de Mai



Aux alentours de ce jour, la "Petite Noblesse", le "Joli Peuple", les "Gentes Dames" fêtent leur petite Reine de Mai. Elle prend parfois l'aspect du Petit Chaperon d'Aurore, de Cendrillon ou de Laliocha, Lalie- aux -Chats, qui, entourée de sa cour féline, sort du grand Fayt, des haies de prunelliers et d'aubépines fleuries pour se promener au-delà des lumineuses lisières.
Les petits filles sages qui toucheront sa tresse rousse, son gracieux visage, connaîtront de paradisiaques extases qu'elles voudront retrouver en semant derrière elles mille et une bonnes actions.
Chaque fleur de vertu sera alors comme un papillon voletant vers les Bienheureux Séjours.

Pierre DUBOIS - Elficologue

mercredi 28 mai 2014

Un conte de la pluie et du temps


Il pleut ; depuis des jours, il pleut…. Un crachin breton embrume le paysage et ruisselle sur les vitres d’une cuisine, la cuisine d’un château, seule pièce un peu tiède de la vaste maison. Une femme s’y est réfugiée, un femme à qui le froid jamais n’a fait peur, mais qui, peut-être, en vieillissant devient frileuse. Il pleut sur un printemps qui tarde, sur un hiver qui ne veut pas finir; un hiver pas vraiment froid, mais gris , à l’humidité insidieuse qui se glisse jusque dans les draps et fait fumer les cheminées. Rien à voir avec les hivers gelés et lumineux de son enfance . Tout comme ce bortsch, qu’en l’absence de la cuisinière, elle a confectionné elle-même et dont elle ne retrouve pas la saveur aigre-douce, avec des choux bretons, par un hiver breton .La Russie est si loin et lointaines sont les berces géantes dont on faisait mariner les feuilles pour donner à la soupe ce rien d’acidité qui aujourd’hui fait défaut.
Le temps ressemble à sa vie : une longue grisaille traversée de douleurs fulgurantes et puis des embellies… Elle attend l’embellie, elle attend le printemps, le chant du coucou annonciateur de la fin des gelées. Le coucou chantera, le printemps reviendra avec les hirondelles, car le beau temps revient toujours. Mais reviendra-t-il cette année pour elle ?
Elle se sent vieille parfois ; elle ne pense pas pouvoir écrire encore un nouveau roman, mais elle se trompe ; son imagination n’est pas en panne, mais seulement encombrée de saints et de personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament, puisqu’elle travaille selon le conseil de Mgr Gaston de Ségur, son fils bien-aimé, à une Histoire Sainte, qu’elle fera suivre d’une Vie des Saints…, des ouvrages destinés aux enfants…, à ses petits-enfants…, à tous les enfants.
Sa fille Sabine va mourir de tuberculose , Camille, sa petite fille modèle est sur le point d’accoucher ; une nouvelle génération va remplacer l’ancienne… après la pluie, le beau temps? Soudain, cette créativité qui ne faisait que sommeiller s’empare d’elle. Une histoire va naître ; elle compte bien la terminer avant l’automne.
En effet, c’est Sophie de Ségur, « née Rostopchine », qui dans la cuisine du château de sa fille Henriette se réconforte de soupe au chou en regardant tomber la pluie et en rêvant aux personnages qu’elle va inventer et à l’histoire qu’elle va leur faire vivre.
Elle a toujours écrit « au fil de la plume », tout comme naguère elle racontait à Camille et à Madeleine les aventures de Blondine ou du Bon Petit Henri. Pauvre Camille qu’il faudrait bien aider à se défaire d’un mariage calamiteux, pauvre Madeleine que l’exemple de sa sœur conduira au couvent ! Et pauvre Sophie, victime de nos jours encore des idées de son temps : elle fut et doit rester l’impeccable aïeule, enguirlandée de petits-enfants qu’elle gâte ou éduque tour à tour. Mais la splendide, la blonde jeune femme pétulante,amoureuse de la vie et de son mari a dû, trompée, bafouée, se retirer dans l’ombre et le silence d'une chambre de malade. De ce mutisme dans lequel elle s’était réfugiée, elle n'est sortie que la cinquantaine révolue avec la voix tonitruante d’un âne.

mardi 27 mai 2014

Dans un arbre


Une fois j'ai vu
un arbre sans animal dedans.
Je me suis mis à tourner autour.
Alors chacun de mes yeux
vit un animal différent,
un oiseau et un porc-épic.
En voeu je les envoyai dans cet arbre.
Mais là il n'y eut plus qu'un seul animal.
C'était un porc-épic et un oiseau dans le même corps!
Comment est-ce arrivé?
Il s'envola mais s'empêtra dans les nuages
avec ses piquants.
Alors il se posa sur un buisson d'épines
mais perdit quelques plumes.
Le seul endroit où il pouvait vivre
c'était dans cet arbre.
Là, il est devenu l'ami du vent.
Quand le vent est venu 
pour secouer l'arbre
le vent a nettoyé ses piquants
Quand le vent est venu
cherchant quelqu'un pour voler avec lui
sous les nuages
l'animal y alla.

Howard A. NORMAN - L'os à voeux

lundi 26 mai 2014

Les Rogations


C’est bientôt les Rogations ! On s’en fout me direz-vous. Qui célèbre les Rogations et d’abord, c’est quoi les Rogations ???
Bonne question ! Les Rogations se célèbrent dans les trois jours qui précèdent l’Ascension. On processionne à travers la campagne, pour demander à Dieu de protéger les récoltes.  C’est au V° siècle, après une série de calamités printanières,  que St Mamert institua la coutume.
 Et depuis lors, au petit matin, tout le village, croix en tête et précédé du curé, des vicaires etdes enfants de chœur en grand arroi, s’ébranlait à travers la campagne. Le curé bénissait d’un goupillon magistral les futures moissons, les arbres en  fleur et le bétail étonné. D’une voix aussi fausse que les cœurs étaient purs, les litanies des saints montaient jusqu’au ciel. Devant chaque fontaine, chaque puits, la procession s’arrêtait et le prêtre jetait dans l’eau un sel purificateur…
Désormais, le curé a bien trop de paroisses à desservir pour prendre le temps de bénir les cultures…
Et ce sont des tracteurs qui processionnent à travers champs , répandant largement, pesticides, insecticides et autres saloperies…
Qui nous rendra les Rogations ???

George Brassens Le Roi (live)

dimanche 25 mai 2014

Chouette alors! alm


Epopée roi de Lesbos, était amoureux de sa fille, Nyctiménée. Une nuit, toute en pleurs, elle s'enfuit dans les bois. Athéna la voyant sangloter au pied d'un arbre se pencha sur elle pour la réconforter mais la jeune fille était inconsolable. La honte disait-elle lui donnait envie de mourir; jamais plus elle ne pourrait supporter qu'un humain  la regarde. Son père l'avait-il violée, avait-elle succombé à un amour filial trop puissant? Elle ne voulait rien raconter. Seule Athéna la clairvoyante aurait pu nous dire la vérité, mais la déesse était bien trop sage pour se livrer à des commentaires. Nyctimée ne voulait plus quitter les bois; pour préserver sa vie, Athéna fit d'elle une chouette. Depuis, l'oiseau ne se montre plus que la nuit ou aux côtés de la déesse dont elle est devenue l'emblème.
Chez les Aztèques, celui qui donne la clairvoyance aux devins se nomme Tezcatlipoca, et c'est une chouette.
On dit qu'elle porte bonheur. Naguère dans les campagnes pour protéger le bétail, on les clouait vivantes aux portes des granges et des étables. Il est moins cruel de les porter en bijoux; la chouette ou juste son oeil.
Le bel oeil de la chouette, l'oiseau qui voit dans le noir permet de distinguer au-delà des apparences, il donne le discernement, la connaissance, le don de prophétie et de double-vue.
Evidemment, le bijou est silencieux; il ne chantera pas la nuit pour vous avertir que vous attendez un bébé, qu'un malade en est à ses derniers instants ou que le temps va changer. 
Parfois, ce n'est pas le cri de la chouette qu'on entend en Lorraine, mais celui des filles qui la nuit vont dans les bois "crier à la chouette" pour trouver un amoureux. Sans doute afin de  n'être pas changées en oiseau de nuit après leur mort ,comme les vieilles bretonnes qui n'ont pas trouvé de mari. Il aurait mieux valu pour elles être "chouettes" de leur vivant.
C'est pourtant à celles qui sont restées vierges que la sage guerrière donne le pouvoir de communiquer avec le divin et de déchiffrer les mystères de la nuit. Au Moyen Age dans les monastères, on n'honorait guère Athéna, mais la chouette y était un "idéogramme de méditation"; elle figurait le moine plein de sagesse qui avait quitté le monde pour se consacrer à l'étude des mystères du divin. Les ex-libris représentent souvent un hibou ou une chouette perchés sur des piles de livres.
Au Thibet, la chouette représente l'ascète qui, pendant une retraite recherche la maîtrise de son propre esprit.
La chouette aussi parfois symbolise l'alchimie.
Tout le monde pourtant ne considère pas la belle de nuit d'un oeil aussi favorable: les Romains la disaient de mauvais augure.
Pour la Bible, elle est comme le hibou, impure, inquiétante, annonciatrice de mort et de malheur... pensez! elle jetterait des sorts aux chasseurs! Dans "De natura animalium" Claudius Elianus (170-235) dit qu'elle est une sorcière capable de prendre n'importe quelle apparence pour attirer les oiseaux et les dévorer.
Dans certaines civilisations amérindiennes, elle est une divinité gardienne des cimetières et de leurs habitants.
En Chine, c'est un oiseau démoniaque: la métamorphose d'un valet du Roi des régions infernales.
N'attachons pas trop d'importance à ces échos malveillents; la chouette peut aussi être utile. Ainsi on peut guérir des alcooliques en leur faisant des omelettes de 5, 9, ou 13 oeufs, selon leur degré de dépendance probablement; et en cas de gueule de bois, un oeuf de chouette battu dan de l'alcool vous remettra sur pied.
Si Artémidore dit, dans l'Onirotocriton que rêver de chouette annonce des ennuis, des rencontres avec des voleurs ou des adultères, on est de nos jours plus positifs: ce rêve conseille surtout de rester attentifs face à des évènements dont l'importance nous échappe; il peut aussi annoncer un changement profond de la personnalité du rêveur. C'est que la chouette peut voir tout au fond de l'inconscient le plus obscur.


Brahms - Cello Sonata No. 1 in E minor, Op. 38 - Allegro non troppo - Pa...

samedi 24 mai 2014

L'âme des poètes

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet au doigt, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissants sur l'azur des corolles.
-C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé veilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.
Stéphane MALLARME ( Poésies, 1887)

Perfidia - Glenn MIller

vendredi 23 mai 2014

HEL

Fille de Loki et de la géante Angrboda, Hel la Germanique a été élevée au pays des géants avec pour animaux de compagnie le loup Fenrir et le serpent Midgard dont certains ont prétendu qu'elle était la soeur.
Son visage étrange est éclairé pour moitié du soleil et pour l'autre de la lune. 
Odin lui a dévolu un royaume souterrain: Helheim. Là dans un grand palais aux murs d'or et d'argent, elle reçoir dieux et héros et aussi Nidhog, un monstre qui ronge les racines du frêne Yggdrasil.
Elle y accueille aussi ceux qui sont morts de vieillesse ou de maladie et qui n'ont pas droit au Walhalla, réservé aux guerriers morts en braves.
On ne verra pas Hel lors du Ragnarök, mais elle y enverra ue armée de morts commandée par Loki, son père. Pour les y conduire, elle construit avec les rognures de leurs ongles, un navire dont le nom est Naglfar.





Glenn Miller & His Orchestra - Stardust

jeudi 22 mai 2014

C'est bon signe

Les Gémeaux-


Les gémeaux, comme les bœufs de labour, les gants et les chaussettes, marchent par paire. Comme la chaussette, le gémeau est fantasque et enclin à égarer son double. Il se morfond alors dans un tiroir en attendant qu’on lui rapporte sa moitié… ce qui n’arrive pas toujours ! Alors le gémeau solitaire, à travers le temps et l’univers, erre en cherchant la partie qui lui manque ainsi que l’a raconté Platon des anciens humains.


Glenn Miller Orchestra - Tuxedo Junction

mercredi 21 mai 2014

Glenn Miller & His Orchestra - Pennsylvania 6-5000

L'aubépine rouge

L’aubépine fleurit en mai et le printemps, piqué, se transforme parfois en hiver puisque:

Quand l’aubépine est en fleurs
Le temps est en rigueur.

On dit que l’aubépine est la petite sœur diabolique du pommier, mais savez vous pourquoi certaines ont des fleurs rouges ?

C’était il y a longtemps ; beaucoup de poules avaient encore des dents, et dans un village de ce temps là, un jeune homme cultivait un verger, le plus beau de la région qui donnait tous les ans des montagnes de pommes avec lesquelles il faisait un cidre excellent.
Il se nommait Emile et il était amoureux.
Amoureux de la belle Félicie qui avait tant de soupirants qu’elle ne savait lequel choisir. A vrai dire Félicie aimait surtout les dentelles de ses jupons et les broderies de son corsage ; elle aimait sa jolie tournure quand elle allait danser et les compliments et les fleurs.
Elle s’aimait tant elle-même, qu’elle choisit d’accorder sa main à celui qui l’aimerait le mieux ; ce fut une grande chance pour Emile qui lui offrit pour leurs fiançailles un collier d’or.
Le jour de la noce arriva ; ce fut une belle fête et le soir on dansa. Emile et Félicie faisaient plaisir à voir. Il y a toujours dans les noces un invité que personne ne connaît ; les amis de la mariée pensent qu’il fait partie de ceux du marié et réciproquement.
Aux noces d’Emile et Félicie, l’inconnu était un grand beau garçon, au poil noir et à l’œil d’ambre et qui dansait miraculeusement bien ; il tournait, sautait, faisait des entrechats, sous le regard ébloui de Félicie qui pour une fois trouvait à admirer mieux qu’elle-même. Emile qui était bon danseur voulut rivaliser avec l’étranger et se mit lui aussi à tourner, à bondir mais il n’avait pas, pauvre villageois, les souples bottes de cuir de son rival. Ses souliers du dimanche étaient lourds ; il glissa, et se cassa la cheville. On l’emporta chez l’ancien, qui lui mit une attelle et lui donna une potion qui le ferait dormir sans douleur. Autour de lui, on riait lui promettant sa nuit de noces pour plus tard et disaient les plaisants, elle n’en sera que meilleure.
Oui, mais le lendemain matin, le beau danseur avait disparu et l’on ne trouva nulle part Félicie.
Sans attendre que ses os se ressoudent, Emile attela son âne et partit à la recherche de la fugitive. A la ville voisine, dans d’autres plus éloignées, il n’y avait pas trace de sa promise.
Il boitait de plus en plus et l’ancien, pour le faire tenir tranquille lui dit :
-« A quoi sert de partir dans tous les sens ? Si elle revient elle ne te trouvera pas…
Emile resta chez lui . Il ne savait plus rien faire d’autre qu’attendre. Il ne soignait plus son verger et les pommiers finirent par ne plus donner de pommes, puis un a un ils moururent et tombèrent. A leur place poussaient des aubépines. Tous les ans, en mai, a la date des noces manquées, elles se couvraient de fleurs blanches, comme des mariées.
Et les années ont passé, quand il n’est plus resté debout qu’un seul pommier, Emile s’est pendu à la plus haute branche. On l’a enterré dans ce qui n’était presque plus un verger et les ronces et les épines ont continué de pousser, toujours couvertes de fleurs blanches au mois de mai.
Et c’est un soir de mai, quand la nuit tarde à venir, que des jeunes gens qui revenaient d’une assemblée, ont vu une bohémienne rôder près de la maison d’Emile qu’on n’appelait plus que « la maison du pendu ». Effrayés ils sont vite rentrés chez eux. Le lendemain, plusieurs épines avaient des fleurs rouges.
Quelques années plus tard, les villageois pour avoir un pré communal, décidèrent d’abattre ce qui restait de la « maison du pendu » et de raser le roncier. On retrouva sous l’épine rouge, le tronc du vieux pommier, la tombe d’Emile et les restes d’une femme. Le squelette portait au cou le collier d’or offert par Emile à Félicie pour leurs noces.

mardi 20 mai 2014

Pleut-tout-droit

Pendant longtemps on a pensé que ce garçon
n'aimait que les choses qui tombent
tout droit. Il ne semblait s'intéresser 
à rien d'autre.

On avait peur qu'il ne puisse ENTENDRE
que les choses qui tombent tout droit!

On l'observait qui se tenait dehors
sous la pluie. Plus tard, on raconte
qu'il mit une toute petite mare d'eau de pluie
dans l'oreille de sa femme
pendant qu'elle dormait. Et il se penchait dessus
pour l'écouter.

Ce qui le rendait le plus heureux, je m'en souviens, c'était de parler
de toutes les sortes de pluie.

Celle qui tombe des ailes des hérons
quand ils sortent du lac et s'envolent. Je sais bien
qu'il voulait aussi un peu de cette pluie de héron
pour l'oreille de sa femme!

Il se promenait au printemps pour regarder
les jeunes filles frotter de l'oignon sauvage sous leurs yeux
jusqu'à ce que les larmes leur viennent.
Il avait un nom pour cette pluie-là aussi.
Triste-pluie-d'oignon.

Cette pluie-là aussi tombait tout droit
de leur visage
et il l'avait remarqué.

Howard A. NORMAN, L'os à voeux

Glenn Miller - Little Brown Jug

dimanche 18 mai 2014

La flûte et le bambou


Il y eut dans un pays lointain une famine telle que sept frères affamés eurent l’idée de tuer leur sœur pour la dévorer.  Ce qu’ils firent.
Ils se partagèrent équitablement les morceaux .  Dans la part du plus jeune il y avait le cœur et comme  il aimait beaucoup sa sœur il ne put se résoudre à le manger. Il l’enterra  et tout pleurant partit vers son destin.
Du temps passa et à la place où était  enterré le cœur de la jeune fille un très beau bambou sortit de terre.
Un musicien qui passait par là le voyant si beau et si vigoureux eut envie de s’en faire une flûte. Il prit sa hache mais au moment où il allait frapper , une voix lui cria : « Arrête, arrête ! ne coupe pas si haut ! Coupe plus bas ! »
Il porta sa hache près de la racine mais de nouveau la voix se fit entendre : « Pas si bas, pas si bas, coupe plus haut ! »
A trois reprises, le jeune homme porta sa hache sur le bambou et finalement, guidé par la voix, il fit tomber le bambou.
Il en fit une flûte au son magique : ce n’était pas la flûte qui chantait mais la jeune fille dont l’âme se confondait avec celle du bambou.
Un grand amour est né entre l’homme et sa flûte un amour si grand qu’une nuit la jeune fille st sortie de la flûte et depuis chaque nuit, la flûte devient femme. Au lever du soleil, l’amoureuse retourne dans son bambou, heureuse car jamais de nuit comme de jour, elle n’est séparée des lèvres de son bien-aimé…

Ah mais… et les frères assassins ? Ils sont tombés dans un précipice dont seul le plus jeune a pu sortir.

Luigi Boccherini Flute Quintet in B-flat major, G. 442 - I. Allegro

vendredi 16 mai 2014

Imaginons


Imaginons des fantômes, des dieux et des démons.
Imaginons des enfers et des paradis, des villes flottant dans les cieux et des villes englouties sous la mer.
Licornes et centaures, sorcières et magiciens, djinns et farfadets.
Anges et harpies, charmes et incantations, esprits élémentaires, familiers, démoniaques.
C’est facile à imaginer tout cela : depuis des millénaires les hommes l’imaginent.
Imaginez des astronefs et l’avenir.
C’est facile à imaginer : l’avenir approche vraiment, et il sera peuplé d’astronefs.
Y a-t-il quelque chose qui soit difficile à imaginer ?
Oui, bien sûr.
Imaginez un peu de matière, avec vous enfermé dedans, vous qui avez conscience d’exister, qui pensez et savez donc que vous existez, vous qui êtes capable de faire remuer la matière dans laquelle vous êtes, de la faire dormir et s’éveiller, de lui faire l’amour et monter les côtes.
Imaginez un univers – infini ou non, comme il vous plaira de vous le figurer – avec un milliard de milliards de milliards de soleils pour le constituer.
Imaginez une boule de boue qui tourne comme une folle autour d’un de ces soleils.
Imaginez-vous debout sur cette boule de boue, tournant avec elle, tournant dans le temps et l’espace vers une destination inconnue.
Imaginez-le.

Frédric BROWN
image Marc Chagall

jeudi 15 mai 2014

La Rose et le Maître du Jardin



Dans les jardins d’un roi d’Arménie, un rosier n’avait jamais fleuri.
Pourtant, les oracles avaient dit que sur ce rosier, peut-être, un jour, viendrait un rose qui donnerait au maître de jardin la jeunesse éternelle.
Pensez si le roi tenait à ce rosier auquel un jardinier particulier était affecté. Tous les matins, le roi venait examiner chaque branche, guettant entre les feuilles le moindre renflement qui serait une promesse de bouton et chaque matin, il était déçu. D’ailleurs, ce rosier était loin d’égaler la beauté des autres rosiers du jardin. Alors que chaque parterre croulait sous les fleurs, que les grimpants montaient à l’assaut des murs, des arbres et des treillis, que chaque arbuste étalait des corolles rivalisant de couleurs et de parfums, ce petit rosier, dans son coin, tendait des branches sèches, aux feuilles racornies, rabougries et naturellement sans le moindre soupçon de promesse de fleur. Et chaque année, à la fin de l’été, le roi mécontent, faisait exécuter le jardinier.
Douze ans se sont écoulés ; douze années sans la moindre rose. Au douzième automne, le douzième jardinier fut mis à mort et personne ne se présenta pour prendre sa place.
Un tout jeune homme enfin, demanda audience. Voyant ce garçon, presque un enfant encore,qui ne pouvait avoir aucune expérience, le roi pris de pitié, lui demanda s’il savait bien ce qu’il risquait.
-« Parfaitement, dit le garçon ! Ma vie pour celle de ce rosier.
Le jeune homme fut conduit près du rosier. Il le considéra longuement, commença par le débarrasser de ses branches morte, tailla les autres pour lui donner une jolie forme, gratta la terre à son pied et ôta toutes les herbes qui pouvaient le gêner. Tous les matins, il lui donnait un peu d’eau, délaçait les liserons qui grimpaient dans les feuilles ; il allait aux cuisines et dans les écuries, emplissant des seaux de cendres et de crottins pour le nourrir. Il lui parlait, lui chantait des airs gais. L’hiver venu, il l’entoura de paille pour qu’il n’ait pas froid. Et le rosier se laissait faire…
Au premier soleil, aux premiers jours tièdes, toutes les fleurs, toutes les roses du jardin du roi, étalaient leurs corolles, répandaient leurs parfums. Le jeune homme ne les regardait pas ; il n’avait d’yeux que pour son rosier qu’il aimait comme on aime un enfant, une fiancée. Mais le rosier restait triste et aucune promesse de fleur ne garnissait ses rameaux. Le jardinier en était consterné ; pas pour sa vie, il avait oublié ce qu’il risquait, mais par amour pour cet arbuste qu’il avait tant soigné et qui ne voulait pas guérir d’un mal qui visiblement le rongeait.
« Où as-tu mal ? lui dit-il un matin, en caressant doucement ses feuilles.
Alors, baissant les yeux, il vit sortir des racines, un gros ver, noir, horrible, dégoûtant ; il allait le ramasser pour le détruire, quand un oiseau, plus rapide, saisit le ver dans son bec, s’envola et disparait dans le bleu du ciel. Le jardinier, étonné, le chercha des yeux un moment, puis son regard revenant au rosier, il discerna sur une branche un léger renflement. De jour en jour, il devint évident qu’un bouton se formait et bientôt, par un beau matin  de juin, une rose étala le carmin de ses pétales. Fou de joie le garçon courut au palais et fit réveiller le roi.
-«  Sire, dit-il, quand il fut admis dans la chambre du monarque, Sire, vous êtes immortel !
Le roi fit poster des gardes près du rosier ; nul sinon son jardinier ne devait en approcher et jusqu’à sa mort, il avait ordre d’en prendre le plus grand soin.
Dix ans se sont passés, pendant dix ans les roses se sont renouvelées et cependant, le roi vieillissait. Le jardinier, lui, restait ferme et droit ; il jouissait d’une inaltérable santé alors que le roi déclinait. Vint le temps où il dut renoncer au jardin, puis garder la chambre, puis le fauteuil et enfin le lit dont il ne sortit plus. Le jardinier qui le soignait avec autant de dévotion qu’il avait soigné le rosier, était devenu son confident.
Quand vint le dernier soir, le roi déçu lui dit : « Tu vois, les légendes sont des mensonges, j’ai cru à la Rose d’Immortalité et cependant, je meurs ! »
« Non, sire, la légende a dit vrai, mais vous, vous êtes trompé ! Vous n’étiez pas le Maître du Jardin. Le Maître du jardin n’est pas celui qui le possède, mais celui qui l’aime et qui en prend soin. »
Le roi, qui avait enfin compris poussa un soupir qui fut le dernier. Et la jeunesse éternelle resta au jardinier puisque tout le monde le sait : « De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier ! »



Les Chouchous