Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

vendredi 2 août 2013

DEMETER alm

Si l’on veut que le raisin tienne,
Faut du chaud à la Saint-Etienne.




Déméter était blonde, et belle et douce. Elle avait pour frères les trois Maîtres du Monde. Les trois l’aimaient d’un amour bien plus que fraternel. Mais elle, avait donné son cœur à un autre,  un demi-dieu : Iasion .
C’est à des noces, celles de Cadmos et Harmonie, qu’Amour le dieu malin lança sur eux ses flèches d’or. La déesse et le héros, tremblants d’amour et de désir, ont quitté le banquet pour dans un champ voisin, s’unir  par trois fois.
Les puissants immortels virent revenir leur sœur, le chiton dégrafé,  froissé, encore parsemé de brins d’herbe et de parcelles de terre. Son chignon malmené laissait crouler sur ses épaules roses encore d’émotion, des boucles couleur de moisson ; ses yeux troublés, ses lèvres entrouvertes encore sur de récents baiser,  firent monter en Poséïdon, le roi des Océans, des vagues de désir incontrôlables. Et le voilà qui  veut s’emparer de la belle ; elle, affolée, s’enfuit et  pour mieux distancer son poursuivant, Déméter éperdue  se change en cavale,  galope, galope, jusqu’aux gras pâturages du roi Oncos ;  là,  elle se mêle aux nombreuses juments royales. Comment crut-elle, par cet artifice, tromper le dieu des mers ? Le cheval, c’est lui qui l’a créé. Le voici alors,  étalon, galopant lui aussi : il rejoint le troupeau. A ses allures relevées, il reconnaît la déesse, la rejoint, la mord à la nuque, l’accole et lui fait deux enfants : une fille dont la seule étrangeté est le secret dont est enveloppé son nom et un cheval nommé Arion, le premier d’une longue lignée de chevaux discoureurs ; ses deux pieds de droite étaient d’un homme.
En attendant, furieuse de l’outrage subi, Déméter s’en va bouder dans une grotte. La terre aux récoltes compromises est en danger. Zeus va chercher sa sœur , la calme et l’envoie se purifier dans les eaux du Ladon. Mais, serait-ce là un nouveau tour de Cupidon ? Le voilà lui aussi embrasé de désir. Déméter lui résiste, elle aime trop Iasion ; aussi  le roi des dieux, jaloux foudroie son rival et changé en taureau prend sa sœur pour amante. De cette union sauvage, naîtra Coré, la fille très aimée de la déesse.
Coré grandit heureuse, partageant les jeux des innombrables enfants de Zeus. Au sortir de l’enfance, son destin l’attendait.
Seul des trois frères, Hadès n’avait pas aimé Déméter ; il attendait…
Un jour d’été, Coré et ses compagnes cueillaient des fleurs, des violettes dit-on. La porte des Enfers s’ouvrait dans les parages,  et le maître des lieux assis sur un rocher tardait à regagner sa demeure souterraine. Rieuse et peu vêtue, couronnée de fleurs,  ses blonds cheveux flottant au vent, Hadès crut voir sa sœur. Comme elle se baissait pour ajouter encore des fleurs à sa guirlande ses rondeurs tendues vers le ciel firent bouillonner les sens du ténébreux immortel. Quand la belle se relève,  il reconnaît sa nièce. Son ardeur redouble, d’un seul bond il se jette sur la jeune fille qui hurle, affolée, il s’en saisit et l’entraîne avec lui au plus profond de son royaume.
Déméter a entendu le cri de détresse ; elle a reconnu la voix de son enfant ; elle accourt, mais trop tard, les compagnes de Coré ont fui. Seuls quelques fleurs des champs se balancent encore sous la brise du soir.
Folle de douleur, Déméter se met en quête. Dix jours,  dix nuits,  sans dormir, sans prendre aucune nourriture, négligeant son apparence, elle va chercher sa fille et  parcourir ainsi l’univers une torche dans chaque main, sans jamais retrouver sa trace.
Une nuit sur sa route, elle rencontre Hécate.  Elle aussi, la bienveillante a entendu le cri de détresse de Coré, mais n’en a pas vu la cause. Seul Hélios à qui rien n’échappe suggère-t-elle pourrait le révéler. Hélios se fait prier, mais ému de ce chagrin maternel, il cède et révèle le nom du ravisseur.  Déméter est outrée : son troisième frère est l’auteur du forfait ! Elle se change alors en vieille femme,  fait serment de ne pas remonter sur l’Olympe et d’oublier ses pouvoirs de déesse, tant que sa fille ne lui sera pas rendue.
Et la voilà qui sans plus s’occuper des moissons, vagabonde sur la terre, observant les travaux et les cités des hommes.
 Elle arrive ainsi  près d’Eleusis, à la cour du roi Celeos.  Là, fatiguée, elle se laisse tomber sur une pierre, une pierre qui lui va bien : on la nomme la « Pierre sans Joie ». Les filles du roi, des vieilles femmes, des servantes vont et viennent, la questionnent : elle raconte qu’enlevée par des pirates crétois, ils l’ont abandonnée là ; elle cherche un asile et veut bien être servante ou nourrice.
La reine Métanire venait d’accoucher d’un fils ; elle engage la réfugiée  pour s’occuper du petit Démophon. Triste, les yeux toujours baissés,  on ne la voit ni manger ni boire, jamais elle ne prend de repos. Elle s’occupe de son nourrisson d’une manière peu orthodoxe : pour remercier  le roi et la reine de leur accueil, elle fera de lui un immortel, et pour cela, au lieu de le nourrir de lait  comme les autres bébés, elle souffle sur lui et lui oint le corps d’ambroisie. La nuit, pour consumer ce qu’il a de mortel, elle le passe à travers le feu. Le roi et la reine sont surpris de voir leur enfant grandir à vue d’œil en force et en beauté et dépassser bientôt les autres enfants. Métanire veut savoir le pourquoi de cette croissance miraculeuse et une nuit, va observer en cachette ce qui se passe dans la chambre de son fils.
La reine épouvantée, voit cette étrange nourrice fluorescente, dont la tête touche le plafond, présenter son fils aux flammes ;  elle hurle et Déméter, surprise,  lâche l’enfant dans le brasier. Elle le rattrape au vol et le jette dans le bras de sa mère en lui disant outrée, qu’en  raison de son manque de confiance son fils au lieu d’être immortel, vieillira et mourra.
Puis elle se montre dans toute sa gloire,  demande qu’on lui érige un temple et s’en va.
 Elle aura eu le temps d’enseigner à Triptolème, l’autre fils de Céléos, la culture du blé, et les labours avec des taureaux attelés à la charrue. Elle a fait avec lui les premières semailles. Elle lui offre aussi un char ailé attelé de dragons, avec lequel il devra parcourir le monde pour transmettre aux hommes les enseignements de la déesse.
Céléos visite toute la Gèce. Il apprend à Aucos roi d’Arcadie à fabriquer le pain. Jaloux, Lyncos, roi des Scythes essaye de le tuer ; Déméter qui n’abandonne pas son protégé, le change en lynx. Carnabon, roi des Gètes essaye aussi d’avoir sa peau, en vain.  Puis il s’en retourne à Eleusis où son père Céléos qui craint pour son pouvoir, veut l’assassiner. Déméter veille et l’en empêche.  Cependant Coré reste introuvable aussi Déméter  reprend-elle sa quête ; s’arrête chez Pélargos à Argos ; donne l’olivier à Phylatos en Attique. Le fils du roi  Misme, Ascalabos se moque d’elle , elle le change en lézard. Puis, lassée, désespérée, elle va s’enfermer dans son temple d’Eleusis et refuse d’assumer son rôle dans les cultures.  La famine menace.
Car pendant ce temps, privée des soins de la déesse, la terre reste stérile ; l’humanité va périr de famine. Zeus qui voit tout  lui envoie sa messagère, Iris, puis tous les dieux : en vain. Elle est en grève et le restera jusqu’à ce qu’on lui rende sa fille. Zeus convoque  Hermès  t lui donne pour mission d’obtenir de son frère qu’il rende Coré à sa mère. Hadès accepte… trop facilement ! C’est qu’il a fait manger à son épouse qui se nomme désormais Perséphone un grain de grenade, le fruit des morts et ce grain  la lie à lui pour toujours.
Hélios à qui rien n’échappe sait cela ; il dit à Déméter où se trouve sa fille et pourquoi elle ne peut revenir. Déméter pleure de plus belle et Rhéa , sa mère , la prend en pitié. Elle réunit se enfants. La discussion est âpre ; Zeus enfin rend son jugement : afin que nul ne soit lésé, y compris celle qui est l’enjeu du litige et qui,  finalement,  aime son ténébreux époux : Perséphone  remontera sur terre au printemps et retournera vers Hadès au moment des semailles.
Démeter , mal satisfaite satisfaite, ne parvient pas à  retrouver le rire,  ce rire bienfaisant qui rendrait la nature à la vie
Iambé, fille de Pan et d’Echo , paillarde comme son père,tente de distraire la déesse affligée et lui chantant des chansons grivoises, Déméter sourit enfin et Iambe offre pour finir de la récoforter et rompre son jeune interminable,  le cyceon, un breuvage fait d’eau , d’orge et de menthe. Déméter repousse  la coupe et reprend sa triste figure. Les dieux sont désolés : la terre qu’ils aiment , la terre qu’ils ont peuplé de ces humains imparfaits qui les amusent tant, la terre va se craqueler, hommes, plantes et animaux vont disparaître. Et eux aussi , car sans la création, sur quoi vont-ils régner ? Quelle sera leur raison d’être ?
Iambé avait pour nourrice Baubô ; en ces temps où le monde était encore à peupler, dieux, hommes et animaux s’unissaient joyeusement sans grand souci de génétique (encore à inventer) ; il arrivait souvent qu’ils engendrassent d’étranges créatures, pas toujours malfaisantes. Qui étaient les parents de Baubô ? Peu importe…L’étrange et laide créature, n’avait ni cou ni tête, ses yeux malins s’ouvraient au bout de ses tétons et pour mieux inspirer le rire, comme elle n’avait pas de bouche, elle usait pour parler de l’orifice qu’on doit généralement garder silencieux en public.
C’est ainsi que devant tout l’Olympe consterné, elle entonne un hymne de sa façon. Les dieux rient, de ce rire contagieux que chantait Homère. Si contagieux que la triste déesse rit à son tour, rit  à faire trembler les airs, à faire tomber la pluie, à  faire germer les graines,
 La terre alors se couvre de fleurs, de feuilles, la vigne pousse,  le blé mûrit… Baubô a sauvé les hommes..

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