Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

mardi 14 mai 2013

Le Chévrefeuille - Marie de France- Traduction Ph. Walter


Il me plaît beaucoup et c’est mon désir de vous conter la véritable histoire de ce lai qu’on nomme Chèvrefeuille, pourquoi il fut composé et d’où il vient.
Plus d’un me l’a raconté et moi, je l’ai composé par écrit au sujet de Tristan et de la reine, de leur amour si parfait qui leur valut tant de souffrances avant de les réunir dans la mort, le même jour.
Le roi Marc était courroucé et emporté envers son neveu Tristan.
Il l’avait chassé de son royaume à cause de l’amour qu’il vouait à la reine.
Tristan s’en était retourné dans son pays.
Il resta une année entière sans jamais pouvoir revenir dans le sud du pays de Galles où il naquit.
Ensuite, il s’exposa à la mort et à l’anéantissement.
Ne vous en étonnez pas car celui qui aime très loyalement est rempli de tristesse et de souci quand il ne peut satisfaire ses désirs.
Tristan était affligé et anxieux.
C’est pourquoi il quitta son pays et retourna en Cornouailles où vivait la reine.
Il se cacha seul dans la forêt.
Il ne voulait être vu par personne.
Il en sortait le soir quand il fallait trouver un gîte.
Il était hébergé pour la nuit par des paysans, des pauvres gens.
Auprès d’eux, il s’informait sur les faits et gestes du roi.
Ils lui rapportent ce qu’ils ont entendu : les barons sont convoqués, ils doivent se rendre à Tintagel, car le roi veut y tenir sa cour.
A la Pentecôte, ils y seront tous ; il y aura beaucoup de joie et de plaisir ; le reine y sera.
A ces mots, Tristan se réjouit.
Yseut ne pourra se rendre là-bas sans qu’il la voie passer.
Le jour du départ du roi, Tristan retourne dans la forêt.
Sur le chemin que le cortège devait emprunter, il coupa une branche de coudrier par le milieu et l’équarrit en la taillant.
Quand le bâton est prêt, il y grave son nom avec un couteau.
Si la reine le remarque – car elle faisait très attention ; il lui était déjà arrivé précédemment de retrouver Tristan par un moyen similaire -, elle reconnaîtra parfaitement dès qu’elle le verra, le bâton de son ami.
Voici l’explication détaillée du message qu’il lui adresse : il était resté longtemps dans la forêt, aux aguets, attendant de connaître un moyen pour la revoir car il ne pouvait vivre sans elle.

« De ces deux il en fut ainsi
Comme du chèvrefeuille était
Qui au coudrier s’attachait :
Quand il s’est enlacé et pris
Et tout autour du fût s’est mis,
Ensemble peuvent bien durer.
Qui plus tard les veut détacher,
Le coudrier tue vivement
Et chèvrefeuille mêmement.
« Belle amie, ainsi est de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous ! »
trad. Jean Orizet

La reine s’avançait à cheval.
Elle scrutait le talus, vit le bâton, le reconnut et distingua les inscriptions.
A tous les chevaliers qui la conduisaient et l’accompagnaient, elle ordonna de s’arrêter.
Elle veut descendre de cheval et se reposer.
Ils lui obéissent ; elle s’éloigne de ses gens, appelle sa servante Brangien qui lui reste très fidèle.
Elle s’éloigna un peu du chemin et, dans la forêt, elle trouva celui qu’elle aimait plus que tout au monde.
Ils laissent tous deux éclater leur joie.
Il lui parle tout à loisir et elle lui dit ce qu’elle désire.
Ensuite, elle lui explique comment il pourra se réconcilier avec le roi qui regrette de l’avoir exilé : il a été abusé par des calomnies.
Puis elle part et quitte son ami.
Mais quand arrive le moment de la séparation, ils commencent à pleurer.
Tristan retourna au pays de Galles jusqu’à ce que son oncle le fît revenir.
Pour la joie qu’il éprouva de revoir son amie et pour se rappeler les paroles de la reine qu’il avait mises par écrit, Tristan qui savait bien jouer de la harpe avait composé un nouveau lai.
Je le nommerai brièvement : en anglais, on l’appelle Gotelef, les Français le nomment Chèvrefeuille.
Je viens de vous dire la véritable histoire du lai que j’ai raconté ici.
                                                                                                               
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Gentil Bernard vous attend sur l'Almanach. 

1 commentaire:

manouche a dit…

...Et le lierre qui meurt où il s'attache.

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