Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

jeudi 14 février 2013

Un monde sans femmes...





Le préjugé que la fée avait inspiré à Doudou, cette aversion mortelle pour les femmes, se manifesta bientôt. Dès qu'il put être obéi, il défendit aux femmes l'entrée de sa cour. L'ennui qui résulta de cet ordre donna naissance à cette phrase dont les vieilles gens abusent: " Il n'en était pas ainsi de notre temps..." Effectivement les jeunes gens devinrent grossiers, malpropres, ivrognes et chasseurs; Les ministres bâillaient au Conseil, soupiraient tristement, et se couchaient en querellant leurs valets. Les courtisans s'endormaient dans tous les coins d'antichambre; à peine l'ambition avait-elle le pouvoir de les réveiller..... Un jour que le roi s'était écarté du reste de la chasse en poursuivant un daim avec trop d'ardeur, il fut extrêmement surpris de se trouver dans une espèce de salle d'une très grande étendue et de voir, à l'un des angles, une jeune personne sous un pavillon de gaze d'argent, assise assez près d'une vieille femme qui semblait dormir. La jeune personne posa son livre sur ses genoux et se mit à raccommoder sa coiffure que le vent avait un peu dérangée. Quelques fleurs placées sans art dans les plus beaux cheveux du monde en faisaient tout l'ornement. Une grosse boucle fut rajustée et ramenée sur sa gorge avec un soin qui tenait autant à l'envie de plaire qu'à la modestie. Doudou mit pied à terre et, s'approchant avec un trouble et un embarras qui lui était inconnu:" Que vous êtes belle! Que vous mériteriez d'adoration si vous n'étiez une femme! - Je ne suis pas une femme. Je suis Azerolle, et la fée Sévère que vous voyez là me mène au château inaccessible.....

Madame de VILLENEUVE (1695 - 1755) - La Princesse Azerolle ou l'excès de confiance

1 commentaire:

manouche a dit…

Doudou était-il trop sage ou trop fou pour se passer des femmes ?

Les Chouchous