Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

dimanche 9 septembre 2012

Us et coutumes


A la Saint-Cloud sème ton blé,
Car ce jour vaut du fumier.

LA RENTREE


« C’était un matin d’octobre. Un ciel tourmenté de gros nuages gris limitait l’horizon aux collines prochaines et rendait la campagne mélancolique. Les pruniers étaient nus, les pommiers étaient jaunes, les feuilles de noyer tombaient en une sorte de vol plané, large et lent d’abord, qui s’accentuait d’un seul coup comme un plongeon d’épervier dès que l’angle de chute devenait moins obtus. L’air était humide et tiède. Des ondes de vent couraient par intervalles ? Le ronflement monotone des batteuses donnait sa note sourde qui se prolongeait de temps à autre, quand la gerbe était dévorée, en une plainte lugubre comme un sanglot désespéré d’agonie ou un vagissement douloureux.
L’été venait de finir et l’automne naissait. »

Que vient faire au mois de septembre ce matin d’octobre sorti de La Guerre des Boutons de Louis Pergaud ?
Il vient faire que c’était une dictée récurrente du temps que j’étais écolière ; tellement que j’en sais toujours les premières phrases par cœur.
Il vient surtout rappeler que les dates des vacances scolaires avaient été fixées jadis, pour permettre aux enfants des campagnes de participer aux travaux des champs sans manquer l’école. L’agriculture s’est tellement mécanisée depuis que la moisson est battue, rentrée, les champs sont labourés dès la fin août et la rentrée des classes a lieu désormais dans les premiers jours de septembre.
Quand j’étais enfant, c’était le dernier mois des vacances ; on venait de rentrer de la mer ou de la montagne et nous passions,  pour occuper ces dernières semaines, aux mains des tantes et des grand-mères, qui sans ordinateurs ni télé, savaient parfaitement nous occuper.
Sans rien changer à leur emploi du temps, sans jamais nous ennuyer ni nous contraindre, elles nous enseignaient une foule de choses utiles.
Aller aux mûres, connaître les champignons, jardiner : comment, quand on sort un pied de pommes de terre, ramasser les plus grosses et remettre en terre les petites pour la prochaine récolte ; comment rendre les hortensias bleus ; pourquoi la clématite aime avoir les pieds à l’ombre et la tête au soleil ; que si l’on entend le train, c’est qu’il va pleuvoir ; que ce rayon de soleil éclatant juste après l’averse « réchauffe un bouillon » et que justement de ce gros nuage noir qui s’avance « il va tomber des curés ». On va ramasser des fruits, on en met au tonneau pour cet hiver quand passera l’alambic ; on en fait des confitures et on a droit, sur des tartines de beurre étalé sur de larges tranches de pain bis, à l’écume toute chaude meilleure encore dans la mémoire, que la confiture. On en fait aussi des tartes pour apprendre qu’il faut parsemer la pâte de chapelure qui  absorbera le jus des prunes.
Et quand il pleut, on joue au Nain Jaune, au Rami, aux Petits Chevaux. C’est le temps aussi d’apprendre à tricoter.
Les derniers jours,  on se consolait de quitter les tantes et les grand-mères en allant acheter trousses et cartables. La première trousse ! En cuir fauve, « façon croco », à trois volets : un avec tous les crayons de couleur, un autre avec équerre, compas, règle et rapporteur et sur le dernier, porte-plume, crayon gomme et taille crayon. Et aussi la boîte de plumes sergent-major (et comment s’appelait l’autre marque de plumes, les larges et plates ?). Il arrivait aussi qu’on nous offre un stylo « plume ». Il fallait bien tout ça pour faire digérer le retour à l’école.

Car tout le monde n’aime pas l’école…



2 commentaires:

piedssurterre a dit…

Je viens de replonger dans mes souvenirs d'enfance ! Sauf que chez moi, pas de grand-mère, mais une vieille tante, que j'avais presque oubliée, et dont je retrouve le souvenir, le premier qui remonte ce sont les coloquintes dans un panier sur la table assortie au buffet Henri II... Merci Alma !

manouche a dit…

Ca tombe pil poil pour moi: ce jour vaut du fumier!!!

Les Chouchous