Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

mercredi 4 avril 2012

Opéra-fantôme (31)


Lise, silencieuse écoutait de toutes ses oreilles tandis qu’Angélique, enfin à son affaire, dans la conversation mondaine retrouvait une partie du charme que la campagne lui avait fait perdre. Pierre tout à fait largué dès lors qu’on ne parlait plus chasses, forêts ou cultures se leva pour raccompagner le curé qui en avait bien assez entendu. Mariette aurait bien aimé rester mais par solidarité envers son époux, elle prit congé sous couleur d’aller vérifier que tout était prêt dans les chambres pour les hôtes imprévus.
On eut besoin de plusieurs jours pour remettre en état l’équipage des baladins.  Il fallut faire monter un charron aux Authieux ; on eut aussi besoin de matériel. Le mauvais temps ralentissait le travail ; tantôt il pleuvait et les routes étaient glissantes, puis il gelait et les voitures auraient patiné, bref, on ne pouvait guère sortir. Personne ne songea à s’en plaindre ; les habitants du château avaient de la visite distrayante et les baladins étaient mieux aux Authieux  que sur  les routes. On apprit  à se connaître.. ;
Qui pourrait dire les hasards et les passions qui avaient conduit une poignée de baladins sur les routes boueuses du Thymerais en hiver ? Quel Dieu malin les avait renversés un soir de Noël dans les fossés du château des Authieux ?
Estournelle n’en savait rien…
Le vieux monsieur qui avait précédé Marlon et qui lui avait raconté une partie de l’histoire était mort sans lui en révéler la fin. Si ses héritiers ne l’avaient pas trouvé, le coffret renfermant le journal de Louis et divers autres documents était resté dans sa cachette quelque part dans la bibliothèque. Il appartenait désormais au compositeur de le retrouver…

Le compositeur, au village, on le nommait l’Artiste, le Parisien, ou encore pour les plus sympathisants, le Monsieur du Château. C’est dire qu’il ne faisait pas partie et n’était pas près de devenir membre à part entière de la population indigène. A ce titre, on avait pour lui peu d’égards. On le soupçonnait riche et l’avancement des travaux commandés par lui était inversement proportionnel au montant des factures qu’il avait l’ingénuité de régler sans délai et parfois même avant l’achèvement du chantier.
Il ne pouvait toujours pas loger convenablement chez lui ; les revenants non plus. Dérangés sans doute par ce remue-ménage, ils avaient dû se réfugier dans les caves ou les greniers. Marlon, quand il passait une nuit aux Authieux, ne les entendait plus. Le reste du château étant encore moins habitable que la partie en travaux, il lui arrivait souvent de dormir chez Estournelle qui lui avait prêté une chambre où abriter son matériel et sa personne.
Ysolan présent ou non, ils passaient de longues soirées à épiloguer sur l’histoire des Authieux et le destin de ses hôtes du temps passé.
Noël arriva.
Période problématique… La famille d’Estournelle,  les Sanzoiseaux, se voulant originale à tout prix, par défi, ne fêtait jamais Noël ni les anniversaires, ni aucune fête officielle ; moyennant quoi, on ne fêtait jamais rien. Aussi avait-elle pris l’habitude de recevoir ce soir-là ceux qu’elle nommait ses chiens errants, solitaires de toutes provenances.
Ysolan avait perdu sa mère quelques années auparavant, le reste de sa famille vivait à l’étranger ; Marlon, enfant de la DASS,avait grandi trimballé de foyer d’accueil en foyer d’accueil dont il ne gardait  pas que de bons souvenirs et ses amis parisiens n’avaient aucune envie de venir s’embourber dans le Thymerais en hiver
Cette année-là, Estournelle jeta son dévolu sur Travel qui arriva flanqué de sa copine du moment, elle-même escortée d’une copine destinée à Marlon et d’une poignée de comédiens et techniciens avec lesquels il travaillait à ce moment-là. Elle savait recevoir et Ysolan, une fois décidé à sortir de sa réserve pouvait se montrer un hôte agréable ; il avait quand il en usait, un humour assez subtil.
Ce fut un joyeux Noël avec dinde, sapin, feu de bois et nombreux desserts. Les parisiens fatigués et les campagnards habitués à se coucher tôt ne purent veiller longtemps.

2 commentaires:

anne des ocreries a dit…

la D.A.S.S., Pomme. Ah, j'aime en arriver là !

P a dit…

Corrigé, Anne et... chouette! le p'tit crayon est revenu... j'ai des joies simples, moi, en fait!!!

Les Chouchous