Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

lundi 26 mars 2012

Opéra -Fantôme( 22)

Bientôt Pierre put égalementbientôt constater que pour une fois, le châtelain prenait grand soin de son épouse au lieu d’examiner soigneusement tout nouveau jupon passant à sa portée. D’ailleurs Lisette, comme il continuait à la nommer, aurait pu être sa fille et qui sait si… Pierre arrêta là des réflexions qui l’entraînaient trop loin.
Il fut aussi rassuré par l’affection réciproque qui unissait sa fille et le musicien ; les deux jeunes gens ne se quittaient guère… Car, Rinaldo, personne ne s’en méfiait : il était aux yeux de tous, un musicien italien, castré comme le sont la plupart d’entre eux… Pour la bonne marche du spectacle, l’entente entre la chanteuse et le compositeur semblait à tous une excellente chose. A tous ? Peut-être pas à Angélique !

Et sur ces derniers mots, Estournelle se leva pour partir.
« Pourquoi ne pas rester dîner puisque Ysolan ne rentre pas ? »
,Ysolan, l’époux discret de la voisine était ce soir- là, dans un phare foutté par l’océan où il aimait faire retraite en compagnie de son violon. Estournelle aimait avoir du monde autour d’elle, ce que détestait Ysolan, ne souffrait pas de ces absences, bien au contraire et ne se demandait jamais si le violon était bien la seule compagnie de son époux, elle mettait à profit cette liberté imprévue pour escamoter cuisine et vaisselle, regarder la télé jusqu’à des heures indues, bref, s’offrir une vraie soirée de célibataire en compagnie de sa chienne et de ses chats. L’invitation de Marlon lui sucrait son programme, mais d’autre part, un dîner improvisé était une chose qui n’aurait pu se produire dans les jours où Ysolan était à la maison. Ses chats pour une fois, attendraient son retour et on trouverait certainement pour Toufette une friandise qui lui ferait prendre patience. D’ailleurs, la chienne, pourvu qu’elle soit avec Estournelle, savait se passer d’une soupe ; à l’inverse des chats ! Parce qu’un chat qui veut manger est encore plus casse-pied, plus pot-de-colle qu’une paire de vendeurs de bibles ambulants. Sa chatte préférée pouvait passer des heures entières, immobile, à guetter une souris ou une mésange, mais venue l’heure où il lui fallait son petit-suisse, elle ne pouvait même pas attendre qu’Estournelle en jette l’emballage. Mais les chats, y compris la princesse favorite, étaient à la maison, alors elle accepta l’invitation ; une dînette fut improvisée près du poêle.
Qui des deux invita les fantômes à leur table ? On pourrait soupçonner Estournelle dont c’était les sujets favoris, mais d’un autre côté, Marlon était préoccupé par ce qui se passait la nuit dans la maison ; il n’était pas fâché de pouvoir en parler à quelqu’un capable de l’écouter sans mettre en doute le bon fonctionnement de son cerveau.
« Où était-il, Estournelle, ce théâtre dont je ne retrouve aucune trace ? »
« Dans l’aile qui a été incendiée et qui était en face des écuries ; on y accédait par la tour… »
Marlon hocha la tête et dit, pensif :
« Ah, voilà… il s’interrompit, songeur, puis reprit :
« Mais vous, Estournelle , comment avez-vous eu connaissance de toute cette histoire : qui vous a dit où se trouvait le théâtre et ce qui s’est passé au manoir ? »
« Le propriétaire qui vous a précédé et qui contrairement aux autres a vécu ici plusieurs années. C’était, quand je l’ai rencontré, (je venais juste d’emménager au village) un très vieux monsieur ; il est mort maintenant… »
« Et lui, qui l’avait renseigné ? »
« Il avait découvert des papiers… ici, dans cette pièce. Quelque part au milieu de ces rayonnages, il y a m’a-t-il dit un coffre dissimulé. Il en avait trouvé le mécanisme par hasard. Ce coffre renferme d’après lui, les papiers racontant l’histoire de Rinaldo, des plans de la maison telle qu’elle était avant l’incendie et aussi parait-il, des partitions… »
« Des partitions ? mais alors… »
« Alors quoi ? Vous semblez troublé Marlon !»

2 commentaires:

anne des ocreries a dit…

"un dîner improvisé était une chose qui n’aurait se produire"---->" un dîner improvisé était une chose qui n’aurait PU se produire" ! hum.:)

P a dit…

Merci, Anne, c'est corrigé

Les Chouchous