Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

samedi 25 février 2012

Encore une affaire de coeur...

-Un cœur de chêne-

On lui disait le chêne-pommier ; sa silhouette était plus d’un pommier que d’un chêne. Un bien grand pommier quand même, au tronc court et puissant, dont les branches en ombelles s’arrondissaient dans la clairière qu’il ombrageait, entouré d’autres chênes, de haute futaie, ceux-là. Ses glands à profusion nourrissaient une colonie d’écureuils dont les cabrioles l’amusaient. L’un deux surtout, vif et joyeux qui n’oubliait jamais de le remercier pour les nombreux glands dont il remplissait son rond petit bedon, était son favori. Il aimait à le voir faire mille acrobaties de branche en branche et puis filer, vif comme un rai de lumière, pour se montrer, toujours plus haut entre les feuilles. Ces deux-là s’aimaient.
Le chêne avait à son flanc une marque en forme de coeur qui intriguait beaucoup l’écureuil. On aurait dit une boutonnière dont le bouton serait parti. Un jour, l’écureuil curieux osa poser au chêne la question : d’où lui venait cette marque ? L’arbre se contenta de remuer ses feuilles sans répondre,  De temps en temps l’écureuil, de plus en plus intrigué, revenait à la charge et entre deux cabrioles posait la question si bien que l’arbre, amusé,  attendri, finit par lui dire : « Cette marque, ce coeur que tu vois là est la porte qui mène à mon trésor, mais… chut !!! ne le répète à personne, personne ne doit le savoir.
Alors ce fut une autre chanson : le curieux voulait savoir ce qu’était un trésor. Il n’avait jamais entendu parler d’une telle chose ! Et chaque jour il questionnait le chêne en lui demandant de décrire son trésor. Tant et si bien qu’un jour le chêne lui dit : « Viens voir ! et il ouvrit grand son coeur pour que l’écureuil puisse entrer. Jamais le petit rouquin n’avait vu telle splendeur : il y avait là, au cœur de l’arbre, des perles, des diamants, des joyaux de toutes formes et de toutes couleurs. L’écureuil était sans voix, incapable de la moindre cabriole… médusé !
« Sers-toi, lui dit le chêne, prends ce que tu veux ! » Tout ému l’écureuil  choisit un simple collier d’or pour l’offrir à sa compagne.
-C’est tout ? dit l’arbre, tu ne veux rien de plus !
-Oh, mais c’est déjà beaucoup ! Merci, merci ! ma douce amie va être si heureuse !
Et l’écureuil quitta le cœur de l’arbre qui resta entr’ouvert.
Il  offrit le collier à sa compagne, la jolie Marguerite qui,  toute heureuse s’empressa de s’en parer et d’aller s’admirer dans les flaques d’eau du chemin. En se voyant si belle en ce rustique miroir, elle n’eut de cesse d’aller se montrer à toute la forêt.
Le rat gris, en la voyant si bien parée lui demanda d’où venait ce bijou : « C’est le chêne pommier qui l’a donné à mon chéri, dit la bavarde qui ajouta : le chêne a dans son cœur un trésor merveilleux, et il en aurait donné bien plus si mon bel écureuil l’avait voulu. »
Aussitôt, l’envie, la cupidité, portées par leurs ailes noires  étendirent leur ombre sur le rat gris. « Pourquoi ces écureuils auraient-ils des bijoux et pas lui ? Le chêne a dans son cœur un trésor… il me le faut ! » Il grimpa le long du tronc et par le coeur resté entr’ouvert, il s’infiltra jusqu’à l'âme de l’arbre  et commença à piller le trésor. Il en prit tant et tant que ses crocs et ses griffes blessèrent le pauvre chêne jusqu’à la sève. Meurtri , déçu, le chêne se contracta et le coeur commença à se referme. Le rat n’eût que le temps de se faufiler dehors sans pouvoir rien emporter ;
Depuis, le chêne pommier a refermé son coeur et n’a plus jamais laissé personne approcher son trésor ; il protège bien  son âme. Combien de joyeux écureuils  devront-ils cabrioler devant lui avant qu’il oublie les griffes du rat gris ???

4 commentaires:

Sébastien Haton a dit…

J'ai écrit cet après-midi une historiette d'écureuil vivant dans un chêne. Amusant exemple de synchronicité ;-)
Bizz
s.h.

anne des ocreries a dit…

Oh, re-bravo, Pomme !!!

P a dit…

Merci, Anne!
Seb, la synchronicité, j'adore ça! Le plus étrange, c'est que j'ai adapté là un conte africain que raconte Henri Gougaud. Il y est question d'un baobab et d'un lièvre et comme on me demande ici du "local" et que le chêne pommier, je le connais bien (tiens! je vais aller lui dire bonjour cet aprèm), ça a donné cette histoire d'écureuil. On peut connaître la tienne???

Sébastien Haton a dit…

Elle a été écrite pour un des livres-objets de ma douce qui seront exposés le mois prochain.
Je publierai éventuellement le texte après l'expo.

Les Chouchous