Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

jeudi 24 novembre 2011

Histoires courtes


En matière de « conte à rire » et de satyre, il faut citer un auteur moins ancien : Alphonse Allais.
Né à Honfleur en 1854, il aurait du être pharmacien comme son père. Il fit donc ses études à Paris où, il découvrit le monde du spectacle et de la presse ; il changea de vocation.
Alphonse Allais était anglophone et aussi anglophile ;  on ne rit bien que de ce qu’on aime bien .



-Résultat inespéré-





Je reçois de ma très gracieuse amie Miss Sarah Vigott, fille du major Vigott, actuellement en garnison à Malte, la lettre suivante de laquelle je me ferais scrupule de changer la plus pâle intonation.

                                   « Bien cher camarade,

« Il faut que je vous raconte une chose qui va vous émerveiller excessivement fort.

« Quinze jours passés environ, après souper, la nuit paraissait splendide avec une claire de lune si belle que nous pensions tous à faire un léger promenade dans le jardin, avant le lit.

« Alors, combien forte était notre stupéfaction quand nous voyons notre jardin tout noir, tout plein de ténèbres obscures, tant que nous cognons contre nous-mêmes !

« Pourtant, partout ailleurs, le temps était tout à fait lumineux et si bien nous apercevions dans la mer les bateaux pêchants  que nous pouvions compter leurs plus petites cordages.

« Alors, voilà que la frayeur de cette mystère refroidit notre sang et frissonne notre peau.

« Le petit Fred pleurait, car il disait que c’était la fin du monde.

« Oh ! si noir, ça était partout dans notre parc, si noir !

« Notre parc, c’est une terrasse située en haut qui voit sur la mer et qui n’a pas des murs autour pour faire l’ombre.

« Papa aussi devenait très ennuyé, quand nous entendions subit Jim (le plus vieux de mes frères) qui riait avec grands éclats.

« - Quelle matière avez-vous, Jim, disait papa, de rier si fort en cet instant ?

« Je ris, répondait Jim, parce que, en cette instant, c’est la plus comique chose de tout l’univers. »

« Et comme il nous voyait chacun si inquiète, il expliquait nous la terrible mystère.

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« Vous savez, bien cher camarade, quelle attention nous payons à tous vos travaux scientifiques, à vos si intéressantes découvertes.

« Chaque fois que vous publiez une nouvelle idée, immédiatement nous la pratiquons à la maison.

« Quelquefois, ça ne réussit pas, d’autres fois, le résultat dépasse l’espérance.
« Pour cette chose de vers luisants que vous vous êtes occupés cet été, l’affaire était tout à fait bonne.

« Nous suivions attentivement votre recommandation et nous obtiennons maintenant de magnifiques bêtes avec une lumière très forte et très durante.

« Quand vous disiez que les vers luisants éclairent vert parce qu’ils nourrissent avec la verdure et qu’ils pouvaient éclairer rouge quand ils mangent la rougure ou mauve quand c’est la mauvure, cette observation est positivement exacte ;

« Plus de cent fois nous faisions cette amusante expérience et toujours le résultat n’était jamais contraire.
« Ainsi cette fameuse nuit que vous disait que notre pauvre jardin était si ténébreux malgré cette magnifique claire de lune, eh bien ! c’est mon frère Jim qui avait amusé à donner aux vers luisants toute la journée avant, à manger des tulipes noires que nous avons dans notre jardin, des tulipes si noires !
« Tout le monde dans notre maison vous embrasse et moi aussi deux fois, et même si vous voulez, un peu plus.

« Heartly yours,

                                                                                  « SARAH VIGOTT »

 Toute la question maintenant est de savoir si Miss Sarah Vigott ne s’aurait pas payé ma fiole, comme disent les gens.
Oh ! ces Anglaises !


(Et maintenant, exercice amusant : trouver les erreurs et les corriger….)

4 commentaires:

manouche a dit…

Oh! my God!

Sébastien Haton a dit…

J'adore Alphonse Allais. Un véritable génie de l'humour comme il s'en révèle un par génération... et je le relis toujours avec délectation !
séb h.

croukougnouche a dit…

oh! fichtre!! je connais une autre sarah Vigott , égérie du théâtre de rue , dans nos coins du Sud , croisée sur un festival , elle trimbale un fauteuil de massage et propose ses services décontractants , nuque , dos , en contrepoint des autres animations et spectacles.. super personnage!!

P a dit…

Agnès, heureuse de savoir que Miss Vigott a une descendante!
Seb, Sans dévaloriser Allais que j'aime tant, il ya dans sa génération des américains comme O'Henry et des anglais comme Benchley qui ne sont pas sans mérite.
En cherchant bien on doit en trouver sur l'un ou l'autre blog;

Les Chouchous