Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

mardi 12 juillet 2011

Alexandre AFANASSIEV- (23 juillet 1826 à Bogoutchar, oblast de Voronej)

On pourrait dire en parlant des contes, comme dans une comptine ou une randonnée : Perrault les a écrits, les Grimm les ont collectés et Afanassiev les a classés
 Faut-il, pour illustrer son nom chez les conteurs, commencer dans la vie à la manière d’un héros de conte merveilleux ? Comme avant lui Mme Leprince de Beaumont, Alexandre Afanassiev perd sa mère très tôt ;  puis il est envoyé dans une institution religieuse dont il sortira définitivement anti-clérical. Il poursuit ses études au collège, puis au lycée, où il s’indigne de l’abondance des châtiments corporels infligés aux élèves.
Le jeune Alexandre est un lecteur fervent qu’on a bien du mal à tirer hors des bibliothèques. Il ne se contente pas de lire, il aime aussi écouter les nourrices, les « nianias » et leurs contes venus du fond des âges.
En 1844, il entre à la faculté de droit de Moscou ; c’est un travailleur acharné, en but à maintes difficultés financières car son père, peu fortuné, ne l’aide pas beaucoup. Le peu d’argent dont il dispose lui sert à réunir des livres et au fil du temps, sa bibliothèque deviendra colossale.
Imprégné d’idées progressistes, il rédige un premier article qui paraîtra en 1847 et qui a pour sujet l’économie au temps de Pierre le Grand. Pour son examen de fin d’études, il fait une conférence sur le droit pénal au XVI° et XVII° siècle. Il est reçu mais n’a pas le droit d’enseigner en faculté pour raisons politiques. Il faudrait ajouter qu’un certain humour et le sens de la répartie caustique ne sont pas toujours goûtés de tous. Il enseigne dans des établissements privés, mais, pas pédagogue pour deux sous, il se fait chahuter. Tel le Petit Chose, le héros de Daudet, il n’a aucune autorité.
En 1849, il entre aux Archives Centrales du ministère des Affaires étrangères de Moscou, où il restera jusqu’en 1862. C’est une période féconde ; il publie de nombreuses archives, édite ses propres articles touchant principalement à l’histoire Russe ou au journalisme satirique du XVIII° siècle, dans des revues en vogue de l’époque, telles que le Contemporain ou les Notes de la Patrie. Il  publie aussi des comptes rendus d’ouvrages avec une prédilection pour la période de Pierre le Grand, puis il se concentre sur la mythologie slave.
C’est à partir de 1850, qu’il commence à réunir et publier des textes issus de la tradition orale russe.
Il recherche les racines mythologiques de la poésie populaire ; il voit dans le conte une forme de pensée cosmogonique et l’élève au rang de mythe. Contrairement aux frères Grimm qui fabriquaient une version optimale du conte à partir de différentes variantes, Afanassiev  s’attache à montrer l’existence des nombreuses versions, dont certaines en dialecte ou en ukrainien. »
Historien de la civilisation et de la littérature Russe, juriste, ethnologue, folkloriste, bibliographe, critique, journaliste, etymologiste, il connaît admirablement toutes les langues indo-européennes .
Dans le domaine des sciences humaines, il est un des savants les plus célèbres de son temps.
Archiviste, il est le premier à songer à classer les contes par genre, travail repris plus tard par AA et T , pour établir la classification des contes-types. 
Les histoires collectées par Afanassiev pour la plupart, sont les mêmes bien entendu que celles de Grimm dont le travail l’a inspiré, pour la simple et bonne raison , que les contes sont les mêmes sous tous les cieux. L'Oiseau de Feu est le même volatile que l'Oiseau d'Or.(voir blog) Si les frères Grimm ont rhabillé les contes en leur donnant le langage parlé dans leur milieu, en les compilant pour en donner une version plus "aboutie" selon eux, Afanassiev au contraire est resté plus près des formes archaïques, tant dans la forme que dans la langue. Pour lui les contes décrivaient les forces de la nature; cette interprétation est réputée dépassée aujourd'hui et on se demande bien pourquoi puisque ce sont bien les phénomènes naturels qui les premiers ont impressionné les hommes et les ont conduit à inventer des cultes.
La tuberculose, fléau de son temps l’atteint en 1870  et il en meurt à l’automne 1871.
Afanassiev, qui était avant tout un savant et surtout un archiviste a donné une version des mêmes contes délivrés de l' habillage éducatif et moralisateur donné par Leprince de Beaumont et Grimm, lesquels ont ouvert la voie aux interprétations psychanalytiques plus récentes.
Archiviste, il a été le premier à classer les contes par genre, suivi par AA et T, et c'est sur sa collecte que s'est basé Vladimir Propp pour déterminer les 31 fonctions et les 7 actions du conte merveilleux.
En n'habillant pas les contes de littérature, en respectant l'originalité de la tradition orale, il permet de bien distinguer la parité qui existe entre tous les contes de tradition indo-européenne mais aussi leur cousinage avec ceux émanant de civilisations plus éloignées et différentes. Il met en évidence la racine commune à l'imaginaire de l'humanité entière. Cet imaginaire slave est particulièrement un pont entre l'Europe et l'Asie en raison des frontières communes entre ces deux continents.
On trouve chez lui des figures pareilles à celles de Blanche-Neige ou de Peau d'Ane; des petits enfants sont en danger chez la Baba Yaga, comme Poucet chez l'ogre ou Hansel et Gretel chez la sorcière; son Oiseau de Feu, brille d'un éclat aussi pur que l'Oiseau d'Or....

« … Or Filiouchka n’en faisait jamais qu’à sa tête, et il était aussi leste et rapide que le grand-père était lent et maladroit. Filiouchka donc, eut envie de manger une pomme. Echappant au grand-père, il fila au jardin et grimpa dans le pommier. A peine y était-il que, montée dans son mortier de fer, un pilon à la main, la Yaga brune surgissait. D’un bond, elle fut sous le pommier et dit :
« Bonjour Filiouchka ! Que viens-tu faire ici ?- Je veux une pomme !- Tiens, mon petit, prends la mienne ! – Elle est pourrie ! – En voici une autre !- Elle est véreuse ! – Allons, Filiouchka, cesse ! »
IL avança la main. La Yaga brune en profita pour le saisir et le pousser de force dans son mortier. Puis elle partit au galop à travers buissons, bois et ravins, fouettant furieusement le mortier de son pilon…. »
Extrait de :  La Baba Yaga et Filiouchka




1 commentaire:

Sébastien Haton a dit…

C'est comme un nom qui sonne familièrement mais que je ne savais pas rattacher au bon arbre...
Bonne soirée !
séb h.

Les Chouchous