Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

samedi 5 février 2011

PHILEMON et BAUCIS- alm

Tonnerre de février
Emplit le grenier
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Il y avait en Phrygie un lac ; au bord de ce lac, un temple et devant le temple, de chaque côté de la façade, deux grands arbres : un chêne et un tilleul dont les branches se mêlaient. Leurs feuilles semblaient se caresser au vent du soir.
On racontait qu’au fond du lac se trouvait un village et que le temple avait jadis  été une toute petite maison, pauvre parmi les plus pauvres. Un couple d’amoureux vivaitlà : un homme et une femme qui s’aimaient depuis l’adolescence et cela faisait… bien des décennies. Ils ne se voyaient pas vieillir et leur amour leur tenait lieu de fortune car ils étaient très pauvres.
Deux voyageurs épuisés se présentèrent un soir devant leur porte. Deux voyageurs ? Deux vagabonds plutôt. Les cheveux sales, la barbe broussailleuse, des tuniques en lambeaux et pour souliers la poussière du chemin ; ils avaient soif, ils avaient faim.
L’homme, qui se nommait  Philémon leur souhaita la bienvenue, mais ajouta qu’ils n’étaient pas là dans la bonne maison :  « Nous sommes pauvres, si pauvres, nous avons si peu à offrir. Allez plutôt au village, vous y trouverez des gens fortunés qui sauront vous héberger.
-Nous en venons, dit le plus grand des vagabonds, celui qui semblait être l’aîné. Nous en venons et ces méchantes gens nous ont chassés.
Pendant ce temps, silencieuse, Baucis, l’épouse de Philémon, avait rempli d’eau des bassines et venait avec des linges laver les pieds douloureux des visiteurs. Ensuite elle leur offrit des tuniques ravaudées mais propres.
-«  Nous n’avons , continua le vieil homme, que quelques fruits et les fromages de notre chèvre, mais si ce mince repas vous suffit, nous le partagerons avec vous bien volontiers. Femme, va à la source et rapporte nous un pot d’eau fraîche.
Mais quand Baucis versa l’eau dans les gobelets en terre, elle se transforma en un vin doré tel que jamais ces deux pauvres gens n’en avaient bu de pareil.
Avec effroi, ils levèrent les yeux sur leurs hôtes et reconnurent les dieux : Zeus en majesté et Hermès dans tout l’éclat de sa jeunesse étaient à leur table.
-« Suivez-nous, dit Zeus en relevant les paysans prosternés, car nous devons châtier ces mauvaises gens qui font fi des lois sacrées de l’hospitalité ! »
Philémon et Baucis, appuyés sur leurs cannes, suivirent péniblement les dieux jusqu’au sommet d’une colline proche, et, se retournant, ils virent le village englouti par les flots. Seule leur maison, au bord de ce nouveau lac avait été épargnée. Mais elle grandissait et ses murs de boue séchée devenaient de marbre ; devant l’entrée se dressaient des colonnes encadrant un portique et le toit de chaume se couvrait d’or. A la place de leur masure se dressait désormais un temple et les dieux firent des deux vieux ses gardiens.
-« Pour nous avoir accueilli quand tout le village nous rejetait, dit Zeus, je vous accorde un vœu. Formulez votre souhait le plus cher, et par le Styx, quel qu’il soit, il vous sera accordé. »
Philémon et Baucis se tenaient par la main : « Nous ne désirons qu’une chose dit l’épouse, n’être jamais séparés. 
-Et, ajouta le mari, ma plus grande douleur serait de devoir assister aux funérailles de celle que j’aime tant.
- Pour moi, reprit Baucis, je ne pourrais supporter de devoir fermer les yeux de mon compagnon. Accordez-nous, quand nos jours seront révolus, de pouvoir partir ensemble, le même jour, à la même heure. »
A peine le vœu avait-il été formulé, que dans un éblouissement, les dieux s’effacèrent.
Il restait à Philémon et Baucis, miraculeusement régénérés, de longues années de bonheur. Ils gardaient le temple et vivaient des offrandes de ceux qui venaient y prier, mais surtout de l’amour qu’ils avaient l’un pour l’autre.
Et puis enfin, ils arrivèrent au bout de leurs ans et là, sur les marches du temple, la main dans la main et se regardant tendrement, ils sentirent leurs pieds s’enfoncer dans la terre ; leurs corps grandissaient, s’élançait vers le ciel tandis que leurs bras se tendaient et se multipliaient ; et ces branches se couvraient de leurs cheveux devenus des feuilles.
Un chêne et un tilleul se dressaient à la place où s’étaient aimés Philémon et Baucis.

 

4 commentaires:

manouche a dit…

La réincarnation dans un arbre, un rêve , j'aimerais l'olivier!

laurent a dit…

Tu en connais un rayon en mythologie. (J'me disais qu'est-ce cela veut dire concernant "Philemon et Baucis" apparus dans un com'.

anne des ocreries a dit…

J'en étais sûre, Manouche ! Pour ma part, un saule, un saule comme ceux des bords de ma rivière, chantant et vivace, souple et bruissant....ou un frêne, solide, droit, dont on a fait tant de manches d'outils !

P a dit…

Anne, Manouche (et les autres...)si vous me dites votre date de naissance (pas l'année, on s'en fout) je vous dis votre arbre..
P.

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