Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

dimanche 26 septembre 2010

Princesse Rosette (7)

Le lendemain matin, les cendres étaient froides. Rosette avant de repartir vers le quatrième mont qui se dressait dans le soleil levant, avec des feuilles de rhubarbe et des lianes de clématite qui poussaient là, se fabriqua des bottines.
Et la voilà repartie ! Ce qui lui reste de linge lui tient à peine au corps. Le chemin en lacets est bien étroit qui borde un précipice ; chaque pas lui donne le vertige. Combien de fois dût-elle se rattraper à la paroi rocheuse, pour éviter de tomber dans le ravin ? Il arriva même que trébuchant sur une pierre, il lui fallût rester suspendue dans le vide, rassemblant ses forces pour se hisser à nouveau sur le chemin. Elle pensait au roi son père, elle pensait au jardin dévasté et elle retrouvait le courage dont elle avait besoin pour continuer.
Arrivée au sommet, elle suivit des yeux un torrent qui bondissait de roche en roche jusqu’au fond du vallon. Il fallait redescendre et le chemin qui longeait le torrent n’était pas moins rude que celui qu’elle venait de grimper. Les feuilles de rhubarbe étaient depuis longtemps restées accrochées aux cailloux. La rive du torrent était trop escarpée pour qu’elle puisse y tremper ses pauvres pieds. Elle soupira bien fort et entreprit la descente.
Tout en bas, le raidillon formait un coude autour d’un gros rocher qui lui masquait le paysage. En le contournant, Rosette poussa un cri : un ours, énorme, tout noir, dressé sur ses pattes arrières lui barrait le passage. Pétrifiée de frayeur, elle ne savait que faire, quand un lutin tout de vert vêtu, sortit d’entre les pattes de l’ours et la salua joyeusement. Sans lui demander qui elle était ni ce qu’elle faisait toute seule dans cette région désolée, il lui alluma un feu, lui donna quelques pommes à manger et lui fit boire, à une gourde qu’il portait au côté, un breuvage fort amer mais qui fit oublier à Rosette douleur et fatigue.
Tel un écureuil, le lutin grimpa dans un arbre où il avait sa cabane bâtie dans les branches ; il en ramena un mortier, puis il s’en fut cueillir certaines plantes. Avec de la boue ramassée au bord de la cascade et du miel qu’avait apporté l’ours, il fit un emplâtre dont il enduisit les pieds blessés de la princesse.
Tout en vaquant, il chantonnait racontait mille histoires amusantes sur les plantes et les oiseaux. Rosette apaisée, s’endormit près du feu, le dos calé contre l’ours roulé en boule.
Le chant des merles la réveilla. Un instant elle s’imagina dans le jardin paternel, mais quelques fourmis explorant son visage la rendirent à la triste réalité : elle avait dormi dans l’herbe, à la belle étoile. Elle n’avait plus pour se vêtir que quelques haillons qui la couvraient à peine, ses pieds étaient toujours endoloris et il lui restait encore trois monts à gravir avant de trouver, peut-être, son grand-père. L’ours avait disparu. En levant les yeux, elle vit le lutin vert qui dégringolait vers elle de branche en branche.
Après l’avoir saluée, il siffla et Rosette vit accourir une petite chèvre blanche. Le lutin lui prit un peu de lait qu’il offrit à sa visiteuse avec quelques fromages qu’il tira de sous une pierre. Réconfortée, la princesse alla se rafraîchir au torrent qui en arrivant dans le vallon se calmait pour devenir un paisible ruisseau ; l’eau était douce. Pendant ce temps, le lutin avait préparé des écorces de chêne ; avec du lierre, il en fit pour Rosette des bottines. Il lui donna aussi une houppelande en laine douce et une canne de bois sculptée de curieuses figurines. « Tu en auras besoin », affirma-t-il à sa visiteuse étonnée.
Réconfortée, Rosette lui fit ses adieux et reprit sa route.

1 commentaire:

FRANKIE PAIN a dit…

a la dame qui collectionne et écris de si beau conte
tu me manques !

enchantée de savoir que tu t'appelais bécassine !
je pense que nous avons en nous toute une petite ou une grande bécassine et c'est fort bien car ces bretonnes pleines de bonnes intentins et qui font plein de bétisses c'est génial et moi je les aime toutes profondément elle transforme mon coeur en chocolat bisous
il me tarde de tirer le nouveau yi king

Les Chouchous