Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

mercredi 22 septembre 2010

PRINCESSE ROSETTE (2)

Il faisait sombre dans l’appentis dont les volets étaient restés clos ; pourtant Rosette distingua sur une table une vasque pleine d’eau sur le bord de laquelle une grenouille – oh, pas une jolie reinette verte, non ! – mais une grosse grenouille glauque et gluante qui la regardait de ses gros yeux narquois et dont la large bouche s’étirait en un mauvais sourire. Et, effectivement, avant de sauter d’un bond par la porte que Rosette avait laissée ouverte, la grenouille ricana.
Elle plongea dans le bassin au nymphéas ; le silence se fit dans le jardin et la brise même, cessa de faire trembler les feuilles ; on n’entendait plus les oiseaux chanter ni même les abeilles bourdonner .C’est alors que, soulevant, bousculant les calmes fleurs aquatiques, surgit de l’eau une femme épouvantablement belle ; ses yeux avaient des éclats métalliques, sa bouche était plus rouge que l’enfer.
Le silence était de plomb dans le jardin ; les roses n’embaumaient plus ; d’épais nuages passaient devant le soleil et l’ombre s’étendit sur les parterres. La femme effroyable tenait à la main une noire baguette ; tournant sur elle même, elle la secoua sur les arbres et les massifs ; instantanément, des armées de limaces envahirent les carrés de légumes, dévorant fleurs et feuilles, pendant que des troupes de rats dévoraient les racines ; des nuées de pucerons se jetèrent sur les roses et les réduisirent en charpie ; des cohortes de chenilles grimpèrent aux arbres et en firent des squelettes tandis que les vers dévoraient leurs fruits. En quelques instants, le domaine du roi-jardinier fut réduit à néant.
Princesse Rosette atterrée, tremblante, contemplait le désastre ; ses yeux agrandis d’horreur se posèrent sur l’ardoise ; machinalement, elle lut à voix haute la formule magique qui fit au même instant apparaître la fée-marraine ; simultanément, dans un grand envol de satins noirs moirés de traînées pourpres et verdâtres, la sorcière s’effaça dans les airs laissant derrière elle un éclat de rire sinistre qui ressemblait à un hurlement de douleur.

1 commentaire:

croukougnouche a dit…

oh!! quelle horreur !
j'en frémis de plaisir! j'adore les contes épouvantables et terrifiants!
la suite ....!

Les Chouchous