Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

jeudi 16 septembre 2010

3- COMMENT YAQUEQUAM DEVINT CHEF-



Un jour, Yaquequam dit à sa grand-mère :
« Pourquoi vivons nous toujours seuls ? N’existe-t-il pas d’autres hommes ? »
« Si, mon fils, au bord du fleuve, il y a un village ; mais le chef est un méchant homme. »
Pour Yaquequam, le désir de rencontrer les hommes est plus fort que la crainte du méchant. Il se rend au bord du fleuve. Il entre dans la première tente du village, où se trouve une vieille femme. Il la salue :
« Bonjour Grand-Mère. J’ai une faim énorme ! »
La vieille lui répond :
« Mon fils, nous avons tous faim, ici. »
Elle tend néanmoins au jeune homme quelques baies séchées dans une écuelle ; il proteste :
« J’ai dit que j’avais très faim ! »
« Je n’ai rien d’autre à te donner ; tout le monde a faim ici. Là-bas, dans la grande tente, le chef garde toute la nourriture mais personne n’ose lui en réclamer. »
« Je vais lui en demander, moi. »
Yaquaquam entre dans la grande tente ; il se plante devant le chef, le salue et dit :
« La nuit est tombée et j’ai fait un long voyage qui m’a ouvert l’appétit ; puisqu’il paraît que toi seul a de quoi manger, je voudrais partager ton repas. »
« Qui es-tu ? Celui qui veut manger avec moi doit d’abord lutter contre moi. »
Ce chef avait de grands pouvoirs qu’il tenait des forces de la nuit ; Yaquaquam se recouvre du clair de lune qui à cette heure commence à inonder la terre. Sa massue solidement plantée dans la main, il fait face à son adversaire. Le chef se rue sur lui, mais chaque coup porté rend Yaquequam plus grand et plus fort. Le chef alors envoie des serpents contre lui. Yaquequam aussitôt, protège ses jambes de cuissardes de pierre sur lesquelles les serpents se cassent les dents.
Mais voilà que le chef déchire la terre, creusant un gouffre noir et profond que Yaquequam comble immédiatement de troncs d’arbres. Voyant cela, le chef s’élève jusqu’à la cime des arbres ; Yaquequam s’envole dans les nuages d’où il crible de flèches son adversaire. Voyant ses sortilèges impuissants, le chef prend peur ; il propose une trêve :
« Allions-nous. Si nous réunissons nos forces, personne ne pourra rien contre nous. »
Yaquequam refuse :
« Ta force, tu ne l’emploies que pour faire le mal ; je ne veux pas vivre avec toi. »
La lutte reprend impitoyable ; Yaquequam recouvre ses mains de gants de pierre qui écrasent les chairs jusqu’à l’os, pourtant il n’arrive pas à tuer le mauvais chef. Longtemps le combat reste indécis ; enfin, par hasard, Yaquequam attrape la main gauche de son adversaire et lui écrase le bout du petit doigt. Or, c’était dans ce bout de petit doigt que se cachait la source de vie du mauvais qui tombe raide mort.
Yaquequam alla chercher sa grand-mère, l’installa dans la grande tente et devint le chef du village.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très belle histoire qui démontre bien à quel point la persévérance, la détermination et le courage viennent à bout de l'adversité. Merci pour cette merveilleuse histoire d'amour

Les Chouchous