Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

lundi 19 avril 2010

Une SOURIS – Fredric BROWN-

Il y avait, au lieu d’un cœur des nodosités régulièrement espacées le long des principales artères.
« Des stations de pompage, sans pompe centrale dit Grimm. Un ensemble de petits cœurs au lieu d’un gros cœur unique . C’est une conception remarquable, des êtres ainsi faits ne peuvent pas souffrir de troubles cardiaques. Je voudrais faire un étalement de ce liquide blanc, sur une lame ».
Quelqu’un se penchait sur l’épaule de Bill, pesant de tout son poids sur lui. Bill tourna la tête pour dire à l’homme d’aller se faire cuire un œuf , quand il constata que c’était le président des Etats-Unis.
«   C’ est une créature non terrestre? demanda le président. »
«   Tu parles! Dit Bill... Absolument, monsieur le président, excusez-moi. »
«   Ah oui... Et à votre avis, l’animal était mort depuis longtemps, ou est-il mort à peu près au moment d’atterrir? »
Ce fut Winslow qui donna la réponse
« Nous restons dans le domaine de l’hypothèse, monsieur le président, étant donné que nous ignorons la composition chimique de cette créature, et sa tem­pérature normale. Mais en arrivant ici, il y a vingt minutes, j’ai pris la température rectale du cadavre, qui était de 35,10, et il y a une minute nous avons constaté que sa température rectale était descendue à 32,60. Etant donné une telle vitesse de déperdition calorique, la mort devait être assez récente. »
« A votre avis, s’agissait-il d’un être doué d’intelli­gence? »
« Je ne saurais être affirmatif, monsieur le président, étant donné les considérables différences avec les créatures terrestres. Mais à mon avis, non. Guère plus que son pendant terrestre, une souris. Le volume et les circonvolutions du cerveau sont très semblables. »
« Vous ne pensez donc pas possible que ses semblables aien­t pu concevoir et construire cet astronef? »
« Je parierais à un million contre un que non. »
L’astronef avait atterri au milieu de l’après-midi; il était près de minuit quand bill Wheeler reprit le chemin du retour. Il ne rentrait pas de la pelouse de Central Park, mais du laboratoire de l’université de New York,  où la discussion et les examens microscopiques ­, s‘ étaient poursuivis.
Bill n‘ avait plus les idées bien nettes, en rentrant chez lui, mais il se souvenait quand même, avec remords, que son chat n’avait pas eu son dîner. Il marchait­ donc aussi vite qu’il pouvait.
Son chat lui jeta un coup d’oeil chargé de reproches, et dit :
« Miaou, miaou, miaou, miaou...”
Le chat parlait si vite que Bill ne parvenait pas placer un mot, entre deux « miaou ». Il ne put com­mencer à se justifier que quand le chat fut en train de manger du foie sorti du frigidaire.
« Il faut m’excuser, Beautiful, dit-il alors. Et je suis navré de ne pas avoir pu te rapporter la souris, on ne m’aurait pas laissé faire, même si j’avais insisté, et de toute façon tu aurais risqué une indigestion ».
Bill é­tait dans un tel état de surexcitation qu’il ne parvint pas à fermer l’ oeil de la nuit. Dès qu’il fut suffisamment tôt, il se hâta de sortir pour acheter les journaux du matin : il lui tardait de savoir s’il y avait eu de nouvelles découvertes ou une suite quelconque aux événements.
Il n’y avait rien eu. Il y en avait moins dans les journaux que ce qu’il savait déjà. Mais c’était une belle information,  et les journaux en tiraient le maximum.
Bill passa la presque totalité des trois journées suivantes au laboratoire de l’université de New York, participant aux études et recherches qui se poursuivirent jusqu’à ce qu’il n’y eût plus rien à essayer —et pratiquement plus rien sur quoi procéder à des essais et expériences. Les services gouvernementaux prirent alors possession des débris et Bill se trouva à nouveau simple spectateur.
Les trois journées suivantes, il ne sortit pratiquement plus de chez lui, écoutant tous les bulletins d’informations de la radio, et se faisant apporter tous ceux des journaux de New York qui sont écrits en anglais. Mais on parlait de moins en moins de l’affaire :per­sonne ne découvrait plus rien d’inédit, et si des hypo­thèses nouvelles étaient échafaudées, elles n’étaient pas livrées aux méditations de l’opinion publique.
C’est six jours après l’événement qu’eut lieu un événement plus gros encore : le président des Etats-Unis fut assassiné. Tout le monde en oublia l’astronef.
Deux jours. Plus tard le premier ministre de Grande- Bretagne était assassiné par un espagnol, et le lende­main de ce jour-là, un petit gratte-papier du Politburo à Moscou devint fou et abattit un dirigeant soviétique très important.
Un grand nombre de fenêtres de la ville de New York furent pulvérisées le jour d’après, quand une surface appréciable de l’état de Pennsylvanie monta en l’air très vite et redescendit lentement. A plusieurs centaines de kilomètres à la ronde tout le monde comprit sans autres explications qu’il y avait — qu’il y avait eu, plutôt — un dépôt de bombes a dans cette partie de l’état de Pennsylvanie. C’était une région peu peuplée, heureusement, et le chiffre des victimes ne dépassa pas quelques milliers.
Dans l’après-midi du même jour le président du Stock Exchange se coupa la gorge et la dégringolade des cours à la bourse de New York commença aussitôt. Personne ne s’occupa de l’émeute à Lake Success, le lendemain, car en même temps une flotte de sous­-marins non identifiés coulait pratiquement tous les bâtiments de la marine de commerce dans le port de la Nouvelle-Orléans.
C’est le soir de ce jour-là que Bill Wheeler se mit à arpenter nerveusement le salon de son appartement. De temps à autre il interrompait sa déambulation pour s’arrêter à côté de la fenêtre, caresser le siamois qu’il appelait Beautiful et jeter un coup d’ oeil sur Central Park, éclairé  a giorno et interdit aux passants par un cordon de troupes depuis qu’on avait commencé à y couler les fortifications bétonnées pour la défense anti-aérienne.
 Il avait1e visage blême et décomposé.
«  Beautiful, dit-il, nous avons vu commencer la chose de cette fenêtre même. Je suis peut-être fou, mais je continue à penser que c’est l’astronef qui est au départ de tout ce qui se passe. Dieu seul sait comment. ­Peut-être aurais-je dû te la faire manger, cette souris. Tout n’a pu se mettre à marcher de travers, de façon si soudaine, sans une impulsion donnée par quelque chose ou par quelqu’un. »
Il secoua la tête, pensivement.
            «  Mettons les choses au net, Beautiful. Admettons que dans cet astronef il y avait quelque chose d’autre qu’une souris morte. Quel  autre chose ? Qu’est-ce que cet autre chose  a pu faire? Et que continue­-t-il à faire?
Admettons que cette souris était un animal de laboratoire, placé dans l’astronef, et qui a survécu au trajet pour mourir en arrivant sur terre. Pourquoi cela ? J’ai une idée un peu folle, Beautiful. »


1 commentaire:

anne des ocreries a dit…

Aaaaaaaaaaaaargh ! Attendre jusqu'à demain ! mais j'vais jamais y arriveeeeeeer !

Les Chouchous